Daté, dogmatique, ennuyeux, le théâtre de Jean-Paul Sartre? Préjugés que tout cela. Mise en scène par Philippe Sireuil et portée des comédiens tous très bons, sa pièce Les Mains sales, présentée jusqu’au 8 mai à la Comédie de Genève, éblouit par sa richesse, sa pertinence et son actualité.  Un véritable coup de soleil qui fait fondre les certitudes, dérange, nourrit, ravit. Infiniment.

L’action se déroule au début des années 40, en Illyrie, un pays imaginaire qui pourrait être la Hongrie. Jeune intellectuel communiste d’origine bourgeoise, bourré de doutes et avide de reconnaissance, Hugo (Joan Mompart, parfait de rigidité fragile) est chargé par le parti d’assassiner le «social-traître» Hoederer (Roland Vouilloz, magistral d’humanité pragmatique). Il s’installe chez lui avec sa femme Jessica (Berdine Nusselder, craquante), hésite beaucoup, se prend d’affection pour sa victime et finit par le tuer par jalousie quand il découvre Jessica dans ses bras. A sa sortie de prison, il apprend que ses anciens compagnons de lutte ont tourné leur veste et se sont ralliés à la ligne politique défendue par Hoederer. Un assassinat pour rien? Sommé d’oublier ou de mourir à son tour, Hugo, en bon héros sartrien, n’a pas le choix.

Souvent drôle, parfois flamboyant, mais évacuant tout pathos, le texte de Sartre n’a pas vieilli. Et sa problématique reste universelle. Pas difficile, en effet, d’imaginer ce qui peut faire écho aux Mains sales dans notre XXIe siècle dominé par une logique économique tyrannique, aberrante et arbitraire. Une vision du monde qui se croit inattaquable, mais à laquelle certains toutefois commencent à dire non.

"Les mains sales". Genève. La Comédie. Jusqu’au 8 mai. www.comedie.ch

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Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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Photo: Lara Schütz

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