Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Humour et didactisme ne s’allient pas volontiers. Mais leur mariage est fructueux quand il est réussi. Paul Colize le prouve avec talent dans « Le meurtre de la rue Blanche » qui, comme son polar précédent « Devant Dieu et les hommes », nous emmène dans les coulisses de la justice belge, dans les méandres de son fonctionnement et de ses spécificités. Le récit se situe cette fois-ci un peu plus en amont, soit au moment de l’enquête et non du procès. Il a pour protagonistes un duo pittoresque et efficace formé par la juge d’instruction Emma Toussaint et son fidèle greffier Fabrice Colet, stature de bûcheron norvégien et sourire de présentateur télé. L’écrivain – né en 1953 à Bruxelles – nous précise dans la foulée qu’en plus d’interroger un inculpé, de convoquer des témoins ou d’ordonner des perquisitions, le juge d’instruction belge « a également le droit de délivrer un mandat d’arrêt, ce qui le rend plus redoutable que son alter ego français ».

Le problème, c’est qu’il manque une cinquantaine de juges et une bonne centaine de greffiers pour faire fonctionner la machine judiciaire correctement. Convoquée en urgence par le procureur du Roi dans un bureau qui ressemble « à un appartement- témoin pour adeptes de feng shui », Emma Toussaint doit tout abandonner pour se pencher sur une nouvelle affaire, particulièrement délicate. Tanguy Anselme, un célèbre avocat d’affaires, a été assassiné. Il est soupçonné d’appartenir à un réseau d’évasion fiscale et de blanchiment. Le meurtre remonte à un an déjà, une première équipe et un enquêteur privé s’y sont déjà cassé les dents. Un bel imbroglio en perspective !

Un innocent en prison

Et comme si cela ne suffisait pas, une affaire que l’on croyait classée se rappelle aux bons soins de notre infatigable duo. Alors que sa cheffe s’est absentée, Fabrice Colet – dont les habitudes alimentaires et les goûts vestimentaires donnent lieu à de savoureux paragraphes – réceptionne un appel téléphonique. Une voix anonyme prévient : « Le meurtre de la rue Blanche. Ce n’est pas ce que vous croyez. Elle [la juge Toussaint] a envoyé un innocent en prison. Dites-le-lui. ». Cette affaire, Fabrice s’en souvient comme si c’était hier. Il s’agissait de sa première scène de crime et de son premier cadavre. Une femme de 78 ans, Gisèle Verbiest avait été retrouvée morte à son domicile, tuée de trois coups de couteau. Les soupçons s’étaient immédiatement portés sur un des locataires de l’immeuble, « un junkie tatoué comme un guerrier maori ». A tort, apparemment.

La juge et son greffier vont ainsi devoir mener de fronts deux affaires très différentes qui, surprise, finissent par se télescoper. Quatre suspects incarcérés d’un coup ! Pratique ! De révélation fracassante en fausse piste, l’écrivain Paul Colize multiplie par ailleurs les occasions de nous faire rire ou sourire. La circulation bruxelloise en prend pour son grade. Le détective privé, à l’opposé de son double hollywoodien, a « la cinquantaine ventrue, le cheveu rare et le charme d’un ouvre-boîte ». Quant au snobisme vestimentaire d’un avocat parvenu, il évoque ni plus ni moins qu’« un tracteur agricole camouflé en Bentley ». On aime, ou pas. Mais cela fait drôlement du bien, d’autant que le suspense est nourri et l’intrigue bien construite.

 

« Le meurtre de la rue Blanche ». De Paul Colize. Editions Hervé Chopin, 314 p. En librairie le 3 octobre 2024.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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