Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Deon Meyer a construit son nouveau polar « LEO » comme une symphonie. Avec un premier mouvement rapide, un long mouvement lent, des accelerandos, des solos magnifiques et un final prestissimo qui nous laisse ébahis. Du grand art. Et que les fans de l’écrivain sud-africain soient rassurés: ses deux policiers, les sympathiques lieutenants Benny Griessel et Vaughn Cupido, sont une fois encore au rendez-vous. Pour les lecteurs un brin fleur bleue, ajoutons que « LEO » s’articule et se rythme autour d’un mariage annoncé – pour le 12 juin, celui de Benny et de sa chère Alexa, une femme aussi sensible et belle que douée – sauf en cuisine. Une ancienne alcoolique, comme lui.

Dans ce roman, comme souvent chez l’écrivain sud-africain, la fiction se nourrit largement du réel. En l’occurrence, de la tristement fameuse « captation de l’Etat », une corruption systémique qui, sous la présidence du président Jacob Zuma (2009-2018) et avec la complicité des tout-puissants frères Gupta, a mis l’Afrique du Sud à genoux et ruiné bien des espoirs. Bien entendu, l’écrivain s’autorise aussi des libertés. Il a notamment changé les noms des principaux auteurs de ce pillage organisé, qui n’en restent pas moins aisément identifiables.

« LEO » se déroule entre deux opérations coup de poing mises sur pied par un commando super-entraîné intégrant des anciens membres de la brigade des forces spéciales sud-africaines (Recces). Destiné à s’approprier une partie des dollars volés par l’ancien président, la première tentative échoue toutefois, et se solde par des morts. Quelques mois plus tard, rebelote avec cette fois-ci dans le viseur une cargaison d’or clandestinement transportée par camion pour être acheminée ensuite par bateau vers la Russie. Cette deuxième attaque elle aussi capote. Le lecteur, qui sait tout ou presque, n’en sera pas surpris.

Crime, musique et cuisine

L’enquête de nos policiers s’inscrit en marge de ces deux événements dont ils ignorent quasiment tout jusqu’au bout. Ils cherchent, eux, les coupables de deux meurtres particulièrement barbares. Deux hommes retrouvés étouffés par de la mousse expansive. Un signe? Un avertissement? Ils pataugent. Le lecteur, qui très tôt possède une bonne partie des clés, se demande comment diable ils vont parvenir à découvrir le pot aux roses en travaillant au sein d’une police elle-même largement corrompue et dont les hauts gradés font tout pour les égarer. Un double suspense accompagné d’une agréable bande son, la musique étant l’une des passions de Benny Griessel, et de l’auteur.

On connaissait aussi déjà l’amour de Deon Meyer pour la France et le rugby. On découvre qu’il affectionne également l’Italie où se réfugie, après la première attaque, la seule femme du commando, Christina Jaeger, alias Chrissie. Une parenthèse ensoleillée et paisible qui est l’occasion de déguster une torta della nonna au célèbre Caffè Greco de Rome avant de bénéficier d’une leçon de cuisine offerte par un expert du pesce crudo et de la carbonara faite, comme il se doit, avec de la joue de porc séchée, le célèbre et inégalé guanciale.

 

« LEO ». De Deon Meyer. Traduit de l’afrikaans par Georges Lory. Gallimard, Série noire, 620 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

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Photo: Lara Schütz

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