Encore un roman policier qui tombe à pic pour éclairer l’actualité. Auteur d’une très remarquée « trilogie écossaise », Peter May – né en 1951 à Glasgow, établi aujourd’hui dans le Lot – situe L’Ile du serment à l’est du Canada, sur l’île d’Entrée peuplée par une poignée de familles d’origine écossaise, la seule île anglophone de l’archipel de La Madeleine. Très vite, on l’a compris, l’Ecosse, son histoire et sa misère s’invitent donc dans l’enquête. Au menu, paysages magnifiques, mer déchaînée, amours douloureuses, fantômes amicaux et parfum d’étrangeté.
A la Sûreté du Québec, le sergent-détective Sime Mackensie est le seul de sa division à bien parler anglais. Quand James Cowell, qui possède « la moitié de la flotte de pêche au homard des Madeleine », est poignardé à mort sur l’île d’Entrée où il réside avec sa femme Kirsty, Sime est donc automatiquement d’astreinte. Dans l’équipe se trouve aussi son ex-femme, Marie-Ange, avec laquelle il entretient des rapports tendus après une rupture qui lui vaut encore des nuits d’insomnie.
Est-ce l’absence de sommeil? Est-ce l’atmosphère singulière de cette île perdue au bout du monde? Lorsque Sime rencontre la femme du défunt, il a le curieux sentiment de la connaître depuis toujours. Lui revient alors par bribes le tragique destin de son aïeul écossais expulsé de l’île de Lewis, dans les Hébrides, au moment de la Famine de la pomme de terre dans les années 1850. Présent et passé vont alors subtilement s’entremêler pour le plus grand plaisir du lecteur.
Touffu, profus, L’île du serment est un polar qui ne craint ni les excès, ni les embruns, ni les élans du cœur. Outre l’archipel de La Madeleine et ses lumières magiques, on y découvre la réalité de l’émigration forcée pratiquée par les grands propriétaires terriens écossais et la vie incroyablement difficile de ces exilés jetés contre leur gré dans des bateaux surpeuplés qui les emmènent vers le Nouveau Monde, une terre inconnue où ils débarquent souvent mourants, quand ils n’ont pas déjà succombé en route.
« L’île du serment ». De Peter May. Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue. Rouergue Noir, 424 p.