Souvent galvaudé, le terme d’épopée s’impose ici sans réserve. Nos disparus de l’Américain Tim Gautreaux est un récit ample, généreux, rythmé qui retrace le destin, les défis et les rêves d’une famille de personnages complexes et attachants. En guise de décor: le Mississippi, ses bateaux à roues à aubes et leurs orchestres de jazz. Au cœur de l’histoire, Sam Simoneaux, un jeune homme du Sud de la Louisiane dont toute la famille a été massacrée alors qu’il n’avait que six mois. Un roman sur la vengeance? Plutôt la démonstration de son absurdité, une réflexion bienvenue à l’heure où certains Etats semblent revenus à la loi du talion et à sa spirale infernale.
Né en 1947 en Louisiane où il vit et enseigne, Tim Gautreaux aime accrocher ses histoires à la grande histoire. En l’occurrence la première Guerre Mondiale. Mais ce qui l’intéresse, c’est l’après. Quand l’Américain Sam Simoneaux débarque en France avec ses compagnons d’infortune, la guerre est finie. On leur confie alors la tâche herculéenne de commencer à nettoyer la campagne des obus qui n’ont pas explosé. Et puis très vite on les renvoie chez eux.
Sam Simoneaux retrouve alors sa jeune femme et devient responsable d’étage dans un grand magasin de la Nouvelle Orléans. Mais sa vie à nouveau bascule quand une petite fille se fait enlever sur son lieu de travail, presque sous ses yeux. Il n’a rien pu faire pour empêcher le rapt, il est licencié. Il part alors à la recherche de l’enfant et, en compagnie des parents musiciens, embarque comme troisième lieutenant sur l’Ambassador, un bateau d’excursion qui sillonne le Mississippi. Le début d’un périple luxuriant, plein de rencontres étonnantes et d’humanité pudique, une fresque magnifique que l’on dévore de bout en bout sans reprendre haleine. Un récit où l’on apprend aussi qu’un « mulet qui parle français » ne daignera vous obéir que si vous vous exprimez dans sa langue.
« Nos disparus ». De Tim Gautreaux. Traduit de l’anglais par Marc Amfreville. Seuil, 540 p.