Un nouveau Donna Leon ? Voilà qui augure d’un abordage tout en douceur des tourbillons de la rentrée et des brumes de l’automne. Chacun des polars de la célèbre écrivaine américaine, 82 ans cette année, représente un inestimable cadeau offert à ses fidèles lecteurs et à Venise qui, des décennies durant, fut a ville de cœur et d’adoption. Depuis quelques années, Donna Leon n’y vit plus à plein temps – elle s’est établie en Suisse. Cela ne l’empêche pas de continuer à célébrer avec ferveur les charmes de la Cité des Doges tout en explorant ses arrière-cours et ses secrets enfouis.
Dans « Le Palais de l’infortune » – la trente-deuxième enquête du commissaire Brunetti – c’est justement du passé que viendra la résolution de l’énigme. Et la triste confirmation que les révolutionnaires d’hier grossissent souvent les rangs des ultra-conservateurs d’aujourd’hui. Mais trêve de morale à deux sous ! C’est d’un meurtre dont il est d’abord question dans ce roman qui, comme de coutume, prend le temps de poser décor et contexte tout en nous plongeant dans le quotidien professionnel et familial de Brunetti. Finalement, c’est donc au tiers du livre que démarre vraiment l’histoire avec l’annonce, un soir de novembre, qu’un corps a été aperçu par un passant, flottant dans un canal. Après un repêchage d’anthologie, le mort se retrouve enfin au sec.
Le défunt se nomme Inesh Kavinda. Il est Sri Lankais. En échange de divers services rendus aux propriétaires, il vivait dans une petite maison située dans le jardin ensauvagé du palazzo Zaffo dei Leoni, situé près du campiello de la Cason. Dans la bibliothèque bien garnie de la victime, Brunetti découvre, stupéfait, des brochures et des coupures de presse renvoyant à l’époque des années de plomb.
Une disparition inexpliquée
Pourquoi ce surprenant intérêt pour les Brigades rouges ? Que cherchait-il à savoir ou à comprendre ? En dénouant les fils de l’énigme, le commissaire tombe sur la disparition, restée inexpliquée, d’un professeur d’université dans les années 1980. Il commence alors à soupçonner Renato Molin, le très hautain et fort peu sympathique propriétaire du palazzo Zaffo dei Leoni, de dissimuler un passé des plus troubles.
Voilà pour la trame. Mais chez Donna Leon, si l’enquête est importante, elle reste d’abord un prétexte, un sésame pour s’introduire dans les milieux les plus divers, soulever différents problèmes de société et nous organiser d’émouvantes rencontres avec des très beaux personnages. C’est ici le cas d’une vieille religieuse, qui vit dans une congrégation bénédictine installée juste à côté du palazzo Zaffo dei Leoni, et qui, avec amour, a recueilli Sara, la chienne de la victime. Une chienne qui, bien incidemment, va participer activement à la découverte de la vérité.
« Le Palais de l’infortune ». De Donna Leon. Traduit de l’anglais par Gabriella Zimmermann. Calmann-Lévy Noir, 332 p. En librairie le 21 août 2024.