Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Jean-Jacques Busino est un discret, un modeste des plus talentueux. Il n’a pas son pareil pour s’arrimer aux grandes questions de notre temps sans se montrer ni pontifiant, ni didactique. Né en 1965 à Genève de parents italiens, cet écrivain rare s’est fait remarquer dans les années 90 comme l’un des pionniers du polar en Suisse romande. Même s’il figure dans la collection Tenebris de BSN Press, son nouveau livre, « Village », s’éloigne passablement du noir pour tutoyer la parabole ou la fable. Un roman, à sa manière presque optimiste, et qui aborde avec humour deux thèmes délicats :  la vieillesse et l’émigration.

Le narrateur du roman, Eduardo Morinaro, n’a rien d’un héros. Il aurait plutôt tendance à se taire pour éviter les conflits. Et cela ne lui a pas réussi. A la suite d’un scandale touchant le service social dont il était responsable à Palerme, le voici relégué, à titre de sanction, dans un petit village « de soixante habitants et de six cents maisons » construit sur une colline au centre de la Sicile.

Un syndic amoureux de la justice

A Orlitone, le paysage est magnifique, mais la vie quotidienne des plus déprimantes. La moyenne d’âge se situe dans les soixante-dix ans avec, pour principale « attraction », le curé, lui aussi proche de la retraite mais qui « pète le feu et semble mû par une force surnaturelle ». Autre individu remarquable, et en l’occurrence incontrôlable, le syndic, Gianmaria Salentino. Cet homme au verbe vert et cru, impulsif en diable, n’hésite pas à jeter ses chaussures à la tête de ses adversaires et va jusqu’au bout de ses principes d’égalité et de justice . C’est ainsi qu’un jour débarquent sur la place du village trente-trois familles syriennes. Elles vont prendre possession des maisons vides et ramener la vie à Orlitone. Pour la plus grande joie du curé.

Alors bien sûr, tout n’ira pas de soi. Du côté des autochtones, la méfiance est de mise, sans même parler du patron du bistro, Marc’Antonio, un proche de Fratelli d’Italia qui appelle les siens à venir protester. Les qualités humaines et les multiples talents des Syriens vont toutefois rapidement venir à bout des réticences de leurs hôtes. Et quand les carabiniers débarquent, tout le monde s’unit pour leur faire rebrousser chemin.

Résumé ainsi, « Le Village » pourrait sembler un brin naïf et bien-pensant. Il ne l’est jamais. Jean-Jacques Busino n’exclut en effet de son récit ni la violence, ni la jalousie ni la mort. Et prend un malin plaisir à mettre en scène des femmes fortes, voire un brin guerrières. On l’a dit, ce roman est un conte. Et comme dans les contes, tous les rêves sont permis, et tous les espoirs possibles.

 

« Le Village ». De Jean-Jacques Busino. BSN Press, collection Tenebris, 302 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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