Dans le panorama du polar islandais, Lilja Sigurdardóttir occupe une place à part. Alors que le grand Arnaldur Indridason, pionnier du genre, creuse avec ferveur le sillon du passé, elle a choisi – entre criminalité économique, trafic de drogue et politique – de s’ancrer résolument dans le présent. Son nouveau polar, « Froid comme l’enfer » s’inscrit par ailleurs dans une veine plus intime: l’histoire de deux sœurs, à la fois proches et différentes, dont l’une a mystérieusement disparu. Une histoire apparemment toute simple. A voir!
Née en 1972, auteure de théâtre et de romans noirs, Lilja Sigurdardóttir vit aujourd’hui entre l’Islande et Glasgow. Cette double appartenance, elle la partage dans son roman avec ses personnages, les sœurs Aurora et Ísafold. L’occasion de comparer les cultures et les imaginaires, tout en affirmant quelques préférences en matière de nourriture, de sex-appeal masculin ou de savoir-vivre. « L’Islande dans toute sa splendeur », note-t-elle quand Aurora se fait dépasser dans une queue par un jeune goujat. « Comme si l’idée d’attendre son tour était totalement étrangère ici », ajoute-t-elle sans illusion.
Enquêtrice financière, mais pas détective
Mais revenons à l’intrigue de « Froid comme l’enfer ». A la demande expresse de sa mère, Aurora, la cadette, quitte donc Edimbourg pour partir en Islande à la recherche de sa sœur Ísafold qui n’a plus donné de nouvelles depuis des semaines. Enquêtrice financière, spécialisée dans le recouvrement de fonds illégalement gagnés, gérés ou dissimulés, elle n’a rien d’un détective privé. D’où son extrême perplexité.
Par où commencer? A qui s’adresser? A Björn, le compagnon de sa sœur dont elle sait qu’il la battait? Il prétend que sa compagne l’a quitté et qu’elle est probablement rentrée en Angleterre. Les voisins de l’immeuble affirment ne rien savoir, ils ont d’autres soucis en tête. Pas trace d’elle non plus dans les hôpitaux. Aurora finit par faire appel à un vague oncle policier, Daniel. Ce dernier pressent d’emblée le pire. Pour la ménager, toutefois, il ne lui en dira rien.
L’art d’alimenter le suspense
Le lecteur sait, lui, qu’Ísafold est morte. Dans les premières pages, il apprend que son corps, enfermé dans une valise, a été abandonné dans la faille volcanique d’un champ de lave désertique. Ce qu’il ignore, en revanche, c’est l’identité du meurtrier. En virtuose, Lilja Sigurdardóttir se plaît à entretenir le suspense, émiettant ici et là des indices qui nous font croire à la culpabilité de l’un, puis de l’autre, tout en nous invitant dans le quotidien chahuté des différents protagonistes de cette tragique histoire. L’histoire d’une jeune femme tombée sous influence, et qui finit par tragiquement mourir d’avoir trop rêvé d’amour.
« Froid comme l’enfer ». De Lilja Sigurdardóttir. Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün. Editions Métailié, 288 p.