Le 8 août 1956 est synonyme de deuil dans l’histoire du charbonnage belge. Ce jour-là, un terrible incendie se déclare au fond de la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle, près de Charleroi. Deux cent soixante-deux mineurs y trouvent la mort, dont plus de la moitié sont Italiens. Le site, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2012, comporte aujourd’hui un mémorial qui leur rend hommage.
Ce tragique événement sert de point de départ au dernier roman noir de Paul Colize, « Devant Dieu et les hommes ». L’auteur, né en 1953 à Bruxelles d’un père belge et d’une mère polonaise, imagine deux rescapés d’origine italienne qui, deux ans après le drame, se retrouvent au tribunal. Ils sont accusés d’avoir profité de la catastrophe pour éliminer un de leurs supérieurs particulièrement odieux.
Dans la salle où se tient le procès a pris place Katarzyna Leszczynska, une jeune journaliste au Soir. Elle n’a connu jusque-là que le carnet mondain ou les chroniques sur le hula-hoop. C’est une époque où les femmes rédactrices sont encore fort rares dans les journaux et le plus souvent cantonnées à des billets d’humeur ou des thématiques légères. A sa grande surprise, et pour des raisons restées obscures, le rédacteur en chef du Soir la charge de couvrir le procès. C’est à travers ses yeux que l’on va découvrir les différents protagonistes de l’histoire et suivre le fil des événements.
Habile, bien écrit, bien conçu, « Devant Dieu et les hommes » ajoute au plaisir de la lecture une astuce qui pimente le suspense. De façon fort élégante, le roman superpose une énigme policière au procès. Katarzyna ne se contente pas d’enregistrer les débats. Ne croyant pas à la culpabilité des accusés, elle part à la recherche de nouveaux témoignages qui pourraient infléchir la décision du jury et enrayer la marche implacable d’une justice par trop partielle. L’occasion aussi, pour elle, de régler ses comptes avec les blessures enfouies de son propre passé.
« Devant Dieu et les hommes ». De Paul Colize. Editions Hervé Chopin, 316 p.