Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

« Rue de l’Espérance, 1935 » est la suite de « Passage de l’Avenir, 1934 », le premier roman du Français Alexandre Courban paru l’an dernier chez Agullo. Mêmes lieux, même époque, mêmes protagonistes (le commissaire Bornec et le journaliste de L’Humanité Gabriel Fumel), pas de doute, le cadet ressemble à son aîné comme un frère. Trop peut-être! Après un premier volet passionnant, mais à la construction un peu raide, on aurait souhaité que l’auteur arrondisse les angles, qu’il affine son style et passe de façon plus souple et vivante du document à la fiction. Cela dit, « Rue de l’Espérance, 1935 », reste un bon polar historique qui illustre avec précision et de manière très documentée l’avènement du Front populaire et les ultimes espoirs des militants unis de la gauche pour tenter de tenir à distance le fascisme.

Fin 1934, quand débute le roman, la Seconde Guerre mondiale déjà se profile à l’horizon. Or voilà qu’un drame inédit se produit. Le conducteur de la rame 316 du métro parisien découvre, le dimanche 9 décembre, un homme poignardé à mort dans la voiture de première classe. La seule qui soit de couleur rouge. Aussitôt sur les lieux, le commissaire Bornec constate l’étrange forme du couteau au manche de corne enfoncé jusqu’à la garde dans le cou de la victime. Une signature laissée par l’assassin? La victime, André Legendre, travaillait comme dessinateur industriel à la Société des moteurs Gnome et Rhône, spécialisée dans l’aéronautique. Un domaine ultra-sensible en cette époque de tensions internationales.

Le lecteur, contrairement aux enquêteurs, le comprend très vite. L’assassin, surnommé le Sarde – l’hommes des basses œuvres de l’Ovra, la police politique italienne, n’en est ni à son premier, ni à son dernier crime. L’intérêt du livre n’est donc pas de découvrir son identité, mais de percer à jour ses motivations et celles de ses commanditaires. En parallèle, on s’intéresse aux conditions de travail particulièrement rudes des ouvriers métallurgistes avant de participer, en direct, au fameux 14 juillet 1935 qui vit défiler un demi-million de sympathisants du Front populaire.

Grand connaisseur des journaux de l’époque, et en particulier de L’humanité à qui il a consacré sa thèse, Alexandre Courban en « profite » pour nous offrir des informations de première main. Tapis dans l’ombre, on assiste à l’effervescence d’une séance de rédaction placée sous la surveillance d’André Marty chargé, au nom de la direction du Parti communiste, d’assurer le contrôle politique du journal L’Humanité. On se rend ensuite à une représentation de Tosca à l’Opéra-Comique et l’on découvre, surpris, l’existence du métier de « décrotteur de rails ».  Et comme nous sommes en France, la gastronomie et la culture du bistrot de quartier ne sont pas oubliées.

 

« Rue de l’Espérance, 1935 ». D’Alexandre Courban. Agullo Noir, 280 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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Photo: Lara Schütz

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