On croyait avoir tout vu ! Grave erreur ! Après une quinzaine de polars, tous passablement addictifs, l’écrivaine canadienne Louise Penny parvient encore à nous surprendre. Dans son dernier roman « Maisons de verre », et pendant plus de 350 pages, elle réussit ainsi, sans ébrécher le moins du monde notre intérêt, à nous cacher le nom de l’accusée d’un procès aux enjeux des plus complexes. Ce procès s’articule autour de la figure forte et rassurante d’Armand Gamache, l’enquêteur fétiche de Louise Penny, interrogé cette fois-ci comme témoin. Il vient par ailleurs d’être nommé directeur général de la Sûreté du Québec, un poste loin d’être une sinécure.
Le récit commence un soir d’Halloween, à Three Pines, le petit village québécois fictif dans lequel Louise Penny enracine tous ses polars. Alors qu’Armand Gamache, ses proches et leurs amis sont réunis pour l’occasion, une mystérieuse créature masquée vêtue d’une robe noire à capuchon fait irruption dans le bistro où se tiennent les festivités. Impossible d’entrer en contact avec elle. Gamache est traversé par un sinistre pressentiment. Et si c’était la mort qui, brutalement, s’invitait dans la chaleur de la fête ? Le malaise se confirme le lendemain quand les villageois constatent que le visiteur est toujours là, immobile, planté dans le parc d’où, imperturbable, il fixe quelque chose ou quelqu’un d’invisible. On tente de l’interroger, de lui demande de partir. En vain. Et quand, deux jours plus tard, la silhouette noire enfin disparaît, elle laisse derrière elle le cadavre d’une jeune femme, une architecte de passage au village, retrouvée morte dans le sous-sol de l’église, revêtue des habits noirs de l’intrigant fantôme.
Une affaire en cache une autre
L’enquête et le suspense ne font que commencer. D’autant que, dans ce roman, une affaire en cache une autre, en lien avec le trafic de drogues et la crise des opioïdes. Rendus méfiants par la corruption qui gangrène jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir, Gamache et quelques collaborateurs fidèles tentent de piéger les cartels qui, avec une terrifiante insolence et une quasi-impunité, inondent le Québec et les Etats-Unis de substances mortelles. La confrontation entre policiers et criminels sera sanglante. Mais soyez rassuré ! Gamache s’en sort sans mal. Et comme toujours Louise Penny contrebalance les moments de tensions extrêmes par des pauses chaleureuses où le lecteur se régale de la cuisine savoureuse du bistrot du village tout en appréciant les propos délirants, provocateurs, et souvent pertinents, de Ruth, la vieille poète un peu folle et passablement alcoolique qui ne se déplace jamais sans sa cane Rose. Un volatile des plus pittoresques qui, ayant hérité le grossier parler de sa patronne, ne cesse de répéter à sa suite, « fuck, fuck, fuck ». Mais qui donc pourrait lui en vouloir ?
« Maisons de verre ». De Louise Penny. Traduit de l’anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Actes Sud, coll. Actes noirs, 446 p.