Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Manipulation, abus de confiance, fraude massive et tueur sans état d’âme : l’atmosphère de ces « Datas sanglantes » s’annonce tendue et l’avenir en péril. Avec le deuxième volet de sa « Trilogie du dark net », l’excellent auteur de polars polonais Jakub Szamałek poursuit avec panache sur sa lancée. Plein d’humour, de finesse…et de pédagogie – ce qui n’est pas à dédaigner quand l’on s’aventure dans les méandres de l’informatique et de la cybercriminalité – il nous fait ici le portrait d’une société occidentale en péril, instrumentalisé à son insu, voire littéralement piratée, par les mafieux d’internet. Rassurez-vous, ces terrifiants marionnettistes de l’ombre auront affaire à forte partie. En l’occurrence, la perspicace, intrépide et tenace journaliste Julita Wójcicka, fidèlement épaulée par quelques brillants hackers.

« Datas sanglantes » démarre à Mińsk Mazowiecki, en novembre 2018, avec l’évocation ironique d’un feu de circulation bloqué au rouge pour les piétons. Une scène urbaine un brin absurde comme les affectionne l’auteur et qui lui permet de nous offrir une piquante description de cette cité qui ressemble à « l’un de ces photomontages censés comparer une image de la ville ancienne avec ce qu’elle était devenue aujourd’hui, un cliché coupé en deux ».

Une révélation explosive

Sans transition, le roman passe ensuite à l’assassinat brutal de Hanna Barańska, une camgirl étranglée en direct pendant son travail – qui consiste à exposer son corps sur internet de manière sexuellement explicite par le biais d’une webcam. Cagoulé, le meurtrier, un pro visiblement, n’est pas retrouvé.  L’affaire est enterrée. En juillet 2020, toutefois, Julita Wójcicka visionne cette vidéo dans le cadre d’une enquête plus vaste. Elle se prend au jeu, découvre qu’un client-ami de la camgirl – un informaticien de haut vol – a lui aussi perdu la vie dans des circonstances douteuses. En retissant habilement les fils ténus dont elle dispose, elle va finir par découvrir, au péril de sa vie, que ce spécialiste allait faire une révélation explosive concernant les élections en ligne dans le cadre de la plus grande convention de hackers au monde.

Depuis « Tu sais qui », premier tome de la « Trilogie du dark net », Julita Wójcicka a pris du galon et acquis un époustouflant savoir-faire dans l’art d’enquêter tout en déjouant les pièges de ses adversaires. Le lecteur en profite pour prendre quelques leçons tout en s’invitant, à travers d’autres personnages, dans la campagne d’un politicien prêt à tout pour gagner des voix. Il partage également le quotidien des modérateurs de contenu de « l’un des réseaux sociaux les plus importants de la planète ». Epuisante, leur tâche se révèle totalement déprimante vu l’horreur des propos et des scènes qui circulent en ligne.

« Ceci non plus n’est pas un roman de science-fiction. Malheureusement », nous avait prévenus l’auteur dans l’avant-propos. On préférerait ne pas le croire sur parole.

 

« Datas sanglantes ». De Jakub Szamałek. Traduit du polonais par Kamil Barbarski. Métailié, 448 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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