Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Depuis qu’il a initié sa série consacrée à Konrad – un ancien policier toujours vert – l’écrivain islandais Arnaldur Indridason semble avoir conclu un pacte avec son public. Il exige désormais de lui une patience et une fidélité sans faille. Rompant avec une certaine diversité, il revient livre après livre sur une énigme qui tient de l’obsession: l’assassinat non élucidé du père de Konrad, poignardé près des abattoirs du Sudurland un soir de 1963. Or plus on avance et plus la réalité devient incertaine et complexe. Au gré de ses enquêtes, l’ex-flic révèle des facettes de sa personnalité éminemment troubles et noires. Jusqu’où sera-t-il capable d’aller pour découvrir la vérité sur la mort d’un père pourtant violent, malhonnête et tricheur, qui battait sa femme et avait abusé de sa propre fille ? Le lecteur en vient à craindre le pire.

Dans « Les parias », son nouveau polar – et le cinquième de la série Konrad – Arnaldur Indridason se montre encore plus radical que dans les précédents. Il se focalise presque exclusivement sur le passé. Une veuve découvre, dans les affaires de son défunt mari, un pistolet dont elle ignorait l’existence et qu’elle remet à la police. Surprise, une vérification de routine révèle que cette arme a servi dans l’assassinat d’un jeune homme, un meurtre commis en 1955 dans le quartier de Mulahverfi. Konrad, on s’en doute a eu vent de l’affaire et s’en émeut. En effet, ce Luger ressemble diablement à celui que possédait son propre père.

L’homosexualité, un tabou

Jouant avec les temporalités de manière presque provocante, l’auteur navigue ensuite avec insouciance entre les personnages, les milieux et les époques. Il revient une fois encore sur les abus commis sur de jeunes enfants par le directeur d’une maison de correction et ses trois complices, un médecin, un tailleur et un policier. Une fois encore l’irrationnel et le monde du spiritisme se glissent dans le récit par le biais du personnage d’Eyglo, la vieille et fidèle amie de Konrad. Et Arnaldur Indridason y ajoute le thème de l’homosexualité – les parias évoqués dans le titre – une réalité qui, dans les années 1950 en Islande, relevait du plus complet tabou.

La météo ? Protagoniste indispensable de tout polar islandais, elle se révèle ici aussi essentielle. Et à travers bourrasques, froid cinglant, gel ou neige, elle s’avère totalement au diapason du destin fracassé des personnages, de leurs souffrances et de leur noir désespoir.

 

« Les parias ». D’Arnaldur Indridason. Traduit de l’islandais par Eric Boury. Editions Métailié, 318 p. En librairie le 2 février 2024.

 

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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