Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Les polars de Valerio Varesi sont toujours un cadeau. Un présent inestimable que l’on déguste page après page, à chaque fois séduit par l’élégance de son regard, surpris par la pertinence de ses remarques sur la vie qui coule et s’échappe, par son art de décrire du dedans les êtres et les choses. Et surtout, bien sûr, par son amour indéfectible pour la ville de Parme. Une cité dont il connaît les moindres recoins, dont il décrit en alchimiste les brumes et les fantômes humides et qu’avec magie il sait nous rendre infiniment désirable. Qui, en effet, ne brûle pas de découvrir Parme après avoir lu Varesi ?

Comme tous les grands amoureux, l’écrivain peut parfois se montrer jaloux, ou déçu. Et dans « La Stratégie du lézard » – son neuvième polar publié en français chez Agullo – il se met carrément en colère contre cette ville qui se laisse corrompre et séduire par les brigands et les mafieux de tous poils. Et, tout naturellement, cette rage, cette fureur, ce sont le commissaire Soneri, son héros recurrent, qui les endosse.

Bougonnant et fulminant – mais sauvé du désespoir par l’humour et la sagesse de sa compagne avocate Angela, Soneri s’immerge dans une nouvelle enquête qui voit des croquemorts se disputer le cadavre d’un vieil homme mort de froid dans une maison de santé, un maire vénal disparaître, un curé être passé à tabac. Sans oublier une meute de chiens transformés en mules par des trafiquants de cocaïne. Amis des animaux, vous voilà prévenus ! « La Stratégie du lézard » comporte quelques scènes qui vous feront frémir. Une fois les bêtes arrivées à bon port, en l’occurrence à Parme, elles sont sauvagement abattues pour récupérer la cocaïne dûment encapsulée dans leurs intestins.

Un téléphone dans la nuit

C’est en partant sur la trace d’un téléphone portable qui sonne tout seul dans la nuit hivernale et la neige que le commissaire Soneri tombe sur ce commerce odieux. En route, dans ce brouillard qui a le « pouvoir de remettre à zéro mémoire et expérience », il croise un curieux noctambule, un faussaire qui alimente en copies de tableaux illustres les notables de la ville. A la fois généreux et cynique, l’homme lui glisse quelques pistes pour mener à bien une enquête qui s’enlise. Et où le faux, à tous les niveaux, règne en maître dans ce monde où l’ennemi ressemble « au lézard, qui, pour tromper son prédateur, abandonne un morceau de queue ». Un casse-tête éthique et professionnel.

Mais Soneri ne désarme pas. Et quand il n’en peut plus, il se réfugie dans les bras d’Angela qui, philosophe, le rassure : « C’est une avocate qui te le dit. On peut être délinquant en toute légalité, pour ça, il suffit juste d’interpréter les normes. Regarde les banques. » Les deux amoureux se rendent ensuite au Milord, chez Alceste, pour déguster leurs chers tortelli, suivis d’un plat de tripes, le tout arrosé comme il se doit d’une bouteille de gutturnio. De quoi retrouver le goût du bonheur et croire à nouveau « à la beauté du monde ».

 

« La Stratégie du lézard ». De Valerio Varesi. Traduit de l’italien par Florence Rigollet. Agullo, 390 p.

 

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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