Est-il encore nécessaire de présenter Michael Connelly et son enquêteur fétiche Harry Bosch? Prenons le risque, voici un bref récapitulatif pour ceux qui prendraient le train en marche. Et que ses fans de toujours nous pardonnent !
Côté stylo, ou plutôt clavier, on trouve l’Américain Michael Connelly, 68 ans. Journaliste de formation et chroniqueur judiciaire de talent, il se lance en 1992 dans l’écriture romanesque avec « Les Egouts de Los Angeles ». Depuis, avec plus de 85 millions d’exemplaires de ses livres vendus, et traduits en 45 langues, son succès ne s’est pas démenti.
Côté personnage, voici Harry Bosch. De son vrai nom Hieronymus Bosch – oui comme le peintre flamand, il est le fils d’une prostituée assassinée alors qu’il est encore enfant. Après avoir participé à la guerre du Vietnam, cet homme intègre et tourmenté rejoint le LAPD (Los Angeles Police Department) dont il devient un enquêteur phare. Et bien que désormais retraité, il se retrouve tout naturellement au rendez-vous du dernier polar de Michael Connelly, « Sans l’ombre d’un doute ». Un livre prenant et fort habilement construit qui s’inscrit dans la ligne de ses romans « procéduraux » plus spécifiquement consacrés au système judiciaire américain. Et comme toujours, la ville de Los Angeles fait figure de quasi-personnage et de décor.
Dans « Sans l’ombre d’un doute », Harry Bosch partage toutefois la vedette avec l’avocat Mickey Haller, son demi-frère aussi baptisé l’« avocat à la Lincoln », un autre personnage récurrent de la galaxie Connelly. Détail attristant, le lecteur apprend dans la foulée que notre ancien policier est gravement malade, qu’il souffre d’un cancer, une leucémie lymphoïde chronique. Et que c’est pour qu’il puisse bénéficier d’une assurance-santé privée lui permettant de suivre un traitement expérimental à UCLA (University of California) que son demi-frère l’a engagé comme collaborateur et chauffeur de sa fameuse Lincoln.
Une affaire trop vite enterrée
Voilà pour le contexte, assez complexe. Venons-en aux faits ! Après avoir fait libérer un homme condamné à la perpétuité pour un meurtre qu’il n’avait jamais commis, l’avocat Mickey Haller est inondé de demandes de détenus clamant leur innocence. Il charge Harry Bosch d’y jeter un œil et d’y faire un tri. L’une de ces missives retient leur attention. Elle émane d’une jeune femme, Lucinda Sanz, incarcérée pour avoir prétendument abattu sur son ex-mari après une dispute. L’homme était un policier, adjoint du shérif. La procédure a été bâclée. L’accusée a toujours clamé son innocence, mais acculée par des preuves apparemment trafiquées, elle a fini par accepter un deal et plaider « non contestation des charges » – nolo contendere. Elle n’avait dès lors plus à reconnaître avoir tué son ex-conjoint devant un tribunal.
Quelqu’un, visiblement, avait intérêt à ce que l’affaire soit enterrée rapidement ? Mais qui ? La police ? Et comment le prouver ? Tandis que Harry Bosch part sur le terrain à la recherche du véritable assassin, Mickey Haller affute sa stratégie et ses arguments oratoires. L’occasion pour le lecteur de s’initier aux particularités du droit américain puisqu’une partie non négligeable de « l’affaire Lucinda Sanz contre Etat de la Californie » se passe au tribunal.
Le procès est épique, avec des chausse-trapes, des rebondissements tragiques et des révélations pas piquées des vers. Pour rendre de façon vivante cette frénésie et le va-et- vient du récit entre les deux principaux protagonistes, Michael Connelly a choisi de dédoubler les points de vue. Avec une grande habileté, et presque sans que l’on ne s’en aperçoive, il mêle des parties écrites à la première personne, et qui donnent la parole à Mickey Haller, avec d’autres rédigées à la troisième personne qui suivent les recherches et scrutent les pensées de Harry Bosch. Une manière pour l’écrivain de faire corps avec son personnage malade tout en respectant son intimité et l’incertitude pesant sur son avenir ? Un constat s’impose en tout cas : si les deux compères, comme on s’en doute, l’emportent, on ignore en revanche ce qui attend Harry Bosch, en apparente rémission. Sera-t-il au rendez-vous du prochain polar de Michael Connelly ? Seul l’écrivain le sait, et encore…
« Sans l’ombre d’un doute ». De Michael Connelly. Traduit de l’anglais par Robert Pépin. Calmann-Lévy noir, 444 p.