Rien de tel qu’un sursaut de l’hiver pour mieux apprécier le printemps. Et quand ce retour des froidures est incarné par Valerio Varesi, on prolonge volontiers l’expérience le temps d’un polar. Réinventant à chaque livre images et sensations, l’écrivain parmesan n’a pas son pareil pour célébrer les brumes, l’humidité, la neige et, surtout, « la ouate du brouillard avec sa matière de coquillage aux contours bien définis ». Avec les années, la région, qui évoque un « gros galet enfoncé dans la cotonnade d’une bonbonnière », a toutefois bien changé. Parme semble désormais régie par la violence, le racisme, le fanatisme et l’avidité. Sans même parler des patrouilles citoyennes d’extrême droite et des règlements de compte entre trafiquants.

Dans l' »Autre loi » – la dixième enquête du commissaire Soneri traduite en français chez Agullo – l’hiver ne figure donc pas qu’au calendrier. Il règne aussi dans les cœurs. Soneri, qui a toujours cru en l’homme et en l’humanité, s’en trouve complètement désemparé. Il ne reconnaît plus rien, ne comprend plus rien à l’instar de l’aveugle qui figure au centre de ce nouveau récit. Gilberto Forlai, 76 ans, est l’un de ces personnage forts, solitaires et ambigus chers à l’auteur. Dans son incapacité vitale à accepter le changement – un carrefour modifié en ville, et il est perdu – il sert de résonnateur et de réceptacle à l’intrigue. Peu à peu, à travers lui, sont ainsi remis en question tous les habituels repères entre le vrai et le faux. le bien et le mal, le juste et l’injuste.

En polar digne de ce nom, « L’autre loi » commence par un meurtre. Un jeune Tunisien, Hamed Kalimi, « l’homme à tout faire » de l’aveugle, est assassiné dans l’appartement de ce dernier. Peu après, c’est un Algérien en situation parfaitement régulière qui est grièvement blessé à l’arme blanche. Et bien sûr, dans leur entourage, personne ne sait rien. « L’omerta involontaire était parfois plus nocive que la volontaire », relève à ce propos le commissaire.

Pour tenter d’y voir plus clair, Soneri s’immerge alors dans la communauté musulmane de Parme. Il y découvre l’existence, inquiétante et fantomatique, d’un imam fanatique et boiteux. Parallèlement, il enquête sur un dealer, et potentiel suspect, un type grand et sec qui, étrangement, s’est rendu plusieurs fois à la bibliothèque Palatina. Son propos? Consulter des ouvrages sur un certain Giovanni da Modena. Ce peintre, qui a vécu à cheval entre le XIVe et le XVe siècle, est notamment l’auteur d’une fresque qui se trouve à la chapelle Bolognini de l’église San Petronio de Bologne et qui représente Mahomet en enfer – une scène inspirée par la « Divine Comédie » de Dante. Un projet d’attentat en représailles à ce « blasphème » ? Des soupçons aux preuves, le chemin est rude et long, mais Soneri persévère, conscient comme toujours que « chaque enquête apporte plus d’interrogations que de réponses ».

 

« L’autre loi ». De Valerio Varesi. Traduit de l’italien par Gérard Lecas. Agullo Editions, coll. « Agullo Noir », 438 p.

Sur un autre livre de Valerio Varesi:  https://polarspolisetcie.com/parme-petite-republique-des-faussaires/

 

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Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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Photo: Lara Schütz

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