Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Dimanche 2 mai 1965. Le grand Louis Aragon se recueille au sommet de la Butte du Lion à Waterloo. Un pèlerinage en lien avec son projet de reprendre entièrement le texte de son roman « Les Communistes ». Alors que l’écrivain redescend pour rejoindre ses compagnons du Parti et les mondanités qui l’attendent à Bruxelles, il essuie un coup de feu qui le rate de peu. On l’exfiltre aussitôt. Ce prétendu attentat sert de point d’ancrage au nouveau roman de François Weerts, « On a tiré sur Aragon ». Un récit où se mêlent allégrement réalité et fiction.

Mécontents de la mollesse avec laquelle la police traite l’agression, le Parti communiste belge (PCB) mandate Viktor Rousseau, un détective privé grand lecteur de polars, pour découvrir qui en voulait à l’auteur de « Les yeux d’Elsa ». Et comme un boulot n’arrive jamais seul, Jean d’Arteveld, le secrétaire perpétuel de l’Académie belge, charge aussi notre limier de faire la lumière sur une deuxième affaire, qui concerne un ancien proche d’Aragon. En résumé, un homme de lettres bruxellois aurait retrouvé un manuscrit égaré de l’écrivain Paul Nizan et posséderait la preuve que ce dernier – qui venait de rompre avec le Parti communiste – aurait été abattu par un commando soviétique alors qu’il combattait sur le front. Un véritable assassinat couvert par Aragon pour des raisons idéologiques. Une affabulation rocambolesque? A Viktor Rousseau de le prouver, et ce ne sera pas facile.

On l’a compris! François Weerts, né en 1960 à Addis-Abeba, n’est pas un amateur de lignes droites, de résumés et de synthèses. Au risque de lasser son lecteur, ce journaliste établi à Waterloo l’emmène quasiment heure par heure à travers les innombrables méandres d’une enquête qui piétine, s’effiloche, se dédouble et n’évite pas les culs-de-sac. Et pourtant, on croche et on s’accroche car l’auteur parvient à merveille à saisir, dans toute leur ambiguïté, ces années 1960 encore hantées par le fantôme de la Seconde Guerre mondiale. Une époque où les plaies de la collaboration et les stigmates de l’épuration sont encore vivaces. Viktor Rousseau, le sympathique enquêteur de François Weerts, le découvrira à ses dépens. Avec amertume et tristesse.

 

« On a tiré sur Aragon ». De François Weerts. Rouergue noir, 448 p. En librairie le 8 janvier 2025.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

Une réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

ABONNEZ-VOUS À CE BLOG PAR E-MAIL.

Saisissez votre adresse e-mail pour vous abonner à ce blog et recevoir une notification de chaque nouvel article par email.

Loading
Archives