Encore un enlèvement d’enfant! Avec tout ce que le thème implique de sévices, d’horreur et de cruauté perverse, grande est la tentation de faire passer par pertes et profits ce gros polar pesant plus de 500 pages. Quelques lignes, toutefois, suffisent à nous convaincre du contraire. Et nous voilà littéralement pris au piège de cet intrigant récit où le thème de l’araignée et de sa toile fait figure de fil conducteur. Complexe, bien écrit, contournant habilement les écueils du trop attendu, Le jardin de bronze de l’Argentin Gustavo Malajovich dissimule dans son labyrinthe bien taillé une intrigue machiavélique et des atmosphères savamment ciselées. A rendre accros les plus sceptiques.
Avant d’opter pour l’écriture et de signer des scénarios pour le cinéma et la télévision, Gustavo Malajovich fut architecte. Il en garde un regard particulier sur les paysages et l’environnement dont il fait profiter son personnage principal Fabián Danubio. Architecte lui aussi, l’homme mène à Buenos Aires une vie apparemment paisible quand Moira, sa fille de quatre ans, disparaît en compagnie de sa baby-sitter. Cette dernière sera retrouvée morte, assassinée. L’enfant reste introuvable. La police baisse les bras.
Après le suicide de sa femme et le meurtre de César Doberti, un privé pittoresque devenu presque un ami, Fabián Danubio se transforme lui-même en enquêteur. Il nous emmène avec lui dans son errance à travers Buenos Aires, ses rues, ses atmosphères, ses métros. Neuf ans toutefois vont passer avant qu’il ne découvre la trace de sa fille. Morte ou vivante? On ne vous le dira pas, bien sûr. Mais, pour vous faire patienter, voici le paysage qu’il découvre alors qu’il approche du but: « Le fleuve pénétrait dans les terres sur environ trois cents mètres. Tout au long de ce bras d’eau, comme un morceau de Venise sylvestre, s’élevaient les maisons de Pórtico. L’unique rue de Pórtico était recouverte d’eau. »
« Le jardin de bronze ». De Gustavo Malajovich. Traduit de l’espagnol par Claude Fell. Actes Sud, 526 p.