Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Dix ans après « Le cadeau de Noël », l’écrivain romand Daniel Abimi revient, toujours chez l’éditeur Bernard Campiche, avec un troisième polar plutôt costaud.  Ceux qui s’attendaient à une rupture ou un nouveau départ seront un peu déçus. « La saison des mouches », bien que plus étoffé, s’inscrit dans le prolongement des deux romans précédents, concluant avec cohérence ce qu’on peut appeler une « trilogie lausannoise ». Au programme de ce récit parfois labyrinthique : un puissant réseau de pédophiles protégé en haut lieu, de véritables « djihadistes » de la Bible et des nostalgiques du nazisme bien résolus à rétablir un nouvel ordre mondial taillé à l’aune de leurs délires.

Face à eux, deux enquêteurs déjà présents dans les romans précédents, deux hommes passablement cabossés par la vie et de plus en plus désabusés, le journaliste Michel Rode et le policier Serge Mariani. Le premier a arrêté de boire. Il tient le coup en assistant régulièrement aux séances des Alcooliques anonymes. Le second, toujours handicapé par de terribles migraines, éprouve de plus en plus de peine à croire à son métier. Or voilà qu’une effroyable tuerie se produit dans un cinéma porno bien connu des Lausannois. Beaucoup de blessés et une dizaine de morts, dont l’auteur du massacre.

Dans les coulisses d’un quotidien

Envoyé sur le front par leurs chefs respectifs, Serge Mariani et Michel Rode tentent d’y voir plus clair dans cet acte dément dont les photos et les vidéos se retrouvent aussitôt sur les réseaux sociaux. Ils patinent, ils doutent, ils tâtonnent et ce qui leur reste d’énergie s’enlise dans d’interminables réunion de travail. On se souvient à ce propos que Daniel Abimi, né en 1965 à Lausanne, a exercé, entre autres métiers, celui de journaliste. De quoi permettre au lecteur de pénétrer discrètement dans les coulisses d’un fameux quotidien de la place pour assister à des séances de rédaction assez édifiantes. Et même à une terrifiante opération de licenciement collectif par mail interposé.

« Strictement rien dans ce récit n’est vrai, ou si peu », nous prévient Daniel Abimi, qui déteste par ailleurs les romans à clés. Vous l’avez compris, inutile de chercher qui se cache derrière la très riche Marie-Anne Barbier, le juge Marc-Aurèle Sandoz, le pervers Georges Amaudruz ou le lâche et très odieux rédacteur en chef Jean-Paul Chevalier. La ville de Lausanne, en revanche, se livre au lecteur sans masque ni détour avec ses beautés cachées et ses laideurs tristes. Qu’il s’agisse de l’évocation de la rue de l’Ale, de la façade singulière du cinéma Moderne ou de l’arrêt de train Fleur de Lys, situé en face de l’hôpital psychiatrique de Cery, « un de ces endroits qui n’était rien, ni ville ni campagne », là tout est vrai. Et décrit avec cette empathie particulière liée aux souvenirs et au vécu.

 

« La saison des mouches ». De Daniel Abimi. Bernard Campiche Editeur, 456 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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