Imaginez! Imaginez un homme qui possède une information strictement confidentielle. Elle équivaut à une catastrophe pour les gens qui l’entourent, mais il doit absolument la garder secrète jusqu’au lendemain. Cet homme est un haut fonctionnaire hongrois, il vient de rédiger un document qui a trait à l’entrée en guerre de son pays – du moins le lecteur du livre l’imagine, car l’auteur ne mentionne jamais directement son contenu – et il s’interroge avec angoisse sur les catastrophes que vont déclencher ces quelques mots.
C’est alors qu’il voit arriver dans son bureau une femme. Elle fuit les hostilités, elle est finlandaise et s’appelle Aino Laine, « vague unique » en finnois. Le plus troublant, c’est qu’elle ressemble de façon stupéfiante à la jeune femme qu’il a aimée et qui s’est donné la mort quelques années plus tôt, par amour pour un autre. Ils vont passer ensemble cette dernière nuit de paix, à parler. Le début d’un de ces face-à-face intenses et magistraux comme les aime Sándor Márai. Quelques heures où le temps s’arrête, où les mots se font justes et lourds, où les secrets se dévoilent, mais où pourtant le mystère et le non-dit hantent encore et toujours les silences comme autant de fantômes obsédants.
Les mouettes a été écrit en 1943, un an après Les braises. Ce roman n’était pas encore disponible en français. La magnifique traduction de Catherine Fay permet donc à l’écrivain hongrois, décédé en 1989 aux Etats-Unis, de ressusciter une fois encore. Pour notre plus grand bonheur. Un vrai cadeau de Noël.
« Les mouettes ». De Sándor Márai. Traduit du hongrois par Catherine Fay. Albin Michel, 226 p.