Au départ, un deuil. Intolérable, insurmontable. Celui d’un père assassiné par la mafia dans une grande ville sicilienne. « Une seule balle l’a transpercé de part en part comme une broche », se souvient sa fille Teresa, 24 ans à l’époque. Il était pâtissier, il savait mieux que quiconque choisir la ricotta de brebis pour les cannoli avant de leur ajouter quelques éclats de chocolat ou de pistache de Bronte. On l’a exécuté parce qu’il avait refusé de se soumettre au racket et de payer le pizzo. Pire, il avait dénoncé ces scassapagghiari, ces voleurs de poule, venus lui soutirer de l’argent.
Ses études terminées, Teresa quitte la Sicile pour Rome. Une manière de passer à autre chose, du moins d’essayer. Après avoir travaillé gratuitement comme enseignante, elle trouve, grâce à une amie, un emploi d’assistante de vie. Il consiste à rendre visite à des malades au stade terminal, à les questionner, leur parler, à surtout les écouter. Dans ce cadre, elle développe une étrange relation avec un patient peu ordinaire, Libero Ferrari, un ancien brigadiste libéré pour raisons de santé. L’homme, semble-t-il, a tué. Il a conservé chez lui un pistolet, un Nagant fabriqué à Prague. La confrontation avec ce quinquagénaire un brin irascible réveille chez Teresa un désir de vengeance porté par une urgence insoupçonnée.
Comme son personnage, l’écrivain Claudio Fava – né en 1957 à Catane – a vu son père assassiné par la mafia. Egalement journaliste et homme politique, il a placé la dénonciation du crime organisé au cœur de son engagement. A-t-il lui aussi rêvé de tuer le bourreau de sa famille ? On l’ignore. Une chose est sûre, en revanche, son livre est absolument magnifique, émouvant mais sans pathos, ciselé comme un joyau minimaliste. Les gens, les choses et jusqu’au moindre geste y sont décrits avec une infinie justesse et une sidérante fraîcheur. « La vengeance de Teresa » tient du conte et de la parabole contemporaine. Il fait partie des livres à ne pas manquer.
« La vengeance de Teresa ». De Claudio Fava. Traduit de l’italien par Eugenia Fano. Métailié Noir, 160 p.