Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Volodymyr Pavliv, Volodya pour ses proches, était Ukrainien. Il est mort au front en 2017, à 42 ans, dans la région de Louhansk. Parce que « la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine n’a pas commencé le 24 février 2022, mais en 2014, avec l’occupation de la Crimée et de territoires du Donbass », nous rappelle sa sœur Olesya Khromeychuk. Historienne, autrice, actrice et metteuse en scène, elle-même a quitté Lviv à 16 ans pour s’installer au Royaume Uni, où elle a fait de l’étude de son pays natal son métier. Frappée par ce deuil immense, elle signe aujourd’hui « La mort d’un frère », un livre inclassable et saisissant préfacé par Philippe Sands et introduit par Andreï Kourkov. Le récit d’une douleur encore amplifiée par le deuil de tout un peuple, un texte écrit en grande partie avant l’invasion de l’Ukraine.

Avec amour, tristesse, finesse et nuance, Olesya Khromeychuk fait le portrait de ce frère rebelle et singulier, pas facile à vivre, qui aimait les arts visuels et le sport. Lui qui avait connu l’errance et le déracinement, il lui avait lucidement déclaré pour expliquer son choix de retourner au front : « C’est une guerre européenne ; il se trouve simplement qu’elle a commencé dans l’Est de l’Ukraine». Et cette guerre, que tout le monde à l’étranger feint encore d’ignorer, va littéralement envahir l’appartement de la jeune femme à travers les divers équipements militaires, uniformes, médicaments ou bottes de combat qu’elle fait venir du monde entier pour lui envoyer au front. Et pour ainsi compenser l’absence de ceux qui ont été pillés par des fonctionnaires corrompus. « Moi qui écrivais des textes antimilitaristes dans le cadre de ma vie professionnelle, ironise-t-elle, je devais bien admettre que j’étais en train de me militariser dans le cadre ma vie privée, même si c’était à mon corps défendant. »

Rire même dans le deuil

Olesya Khromeychuk évoque aussi bien l’avant que l’après, l’enterrement, les discours héroïques, les honneurs militaires, la brûlure intolérable de l’absence. Elle relate aussi ce moment, d’une tragique et paradoxale drôlerie, où leur mère, retrouvant les réflexes de ses anciens rapports avec un fils qui souvent ne lui répondait pas, s’exclame devant le cercueil : « Non, mais regarde-toi un peu ! On est tous là, on est venus te voir de loin ! Et toi, tu restes couché là. Comme un prince ! ».

L’auteur – et c’est l’une des qualités de ce livre – remet en perspective tous ces moments douloureux dans le cadre plus large de l’histoire récente de l’Ukraine. Un pays où la liberté « n’est pas une chose qu’on peut tenir pour acquise », où la liberté reste « une chose qui se vit ». Quant aux Russes, elle ne les hait pas, ne peux les haïr en tant que nation, même si elle le voudrait bien parfois, admet-elle. Avant d’ajouter : « Je méprise ceux qui ont donné leur aval à ce régime criminel par leur silence, (…) Je ne supporte pas ceux qui ne se sentent pas complices de cette guerre sous prétexte qu’ils sont contre-Poutine-et-pour-la paix ».

 

« La mort d’un frère ». D’Olesya Khromeychuk. Préface de Philippe Sands. Introduction d’Andreï Kourkov. Traduit de l’anglais par Cécile Deniard. Seuil, 222 p.

Volodymyr Pavliv, Volodya pour ses proches, était Ukrainien. Il est mort au front en 2017, à 42 ans, dans la région de Louhansk. Parce que « la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine n’a pas commencé le 24 février 2022, mais en 2014, avec l’occupation de la Crimée et de territoires du Donbass », nous rappelle […]

Pourquoi et comment devient-on traducteur ? Quels sont les bonheurs et les difficultés du métier ? Ecrire un livre et traduire un roman ou un poème procèdent-ils d’un même besoin, d’un même talent ? Voilà, parmi d’autres, quelques-unes des questions abordées dans cet élégant petit ouvrage d’entretiens. « La faille du Bosphore » réunit en un vivant face-à-face la traductrice de l’hébreu Rosie Pinhas-Delpuech, par ailleurs directrice de collection chez Actes Sud et écrivaine, et le journaliste et écrivain suisse Maxime Maillard. Ces deux amoureux des mots ont fait connaissance dans le cadre du « programme Gilbert Musy », bourse attribuée en 2021 à Rosie Pinhas-Delpuech et liée à un séjour de deux mois en résidence au Château de Lavigny.

Rosie Pinhas-Delpuech, apprend-on dans « La faille du Bosphore », naît à Istanbul dans l’immédiat après-guerre. Mère germanophone, père francophone, grand-mère judéo-espagnole, elle baigne d’emblée dans une enivrante multiplicité de langues auxquelles s’ajoute le turc de la rue, puis de l’école. Sa langue maternelle ? Elle la choisit, à défaut de la recevoir en héritage, ce sera le français. Pour étudier, elle émigre en France puis s’installe en Israël, avant de revenir vivre à Paris en 1984. On lui doit notamment d’avoir accès à des auteurs comme Yaacov Shabtaï, Orly Castel-Bloom, Etgar Keret ainsi qu’aux magnifiques romans graphiques de Rutu Modan, Grand Prix du Festival d’Angoulême 2014 et récente lauréate du Grand Prix Töpffer 2023.

Dans la fabrique de la traduction

Les chapitres les plus intéressants de « La faille du Bosphore » concernent directement la traduction. Un monde que l’on connaît peu, ou mal, et dans les coulisses duquel Rosie Pinhas-Delpuech nous convie avec sa générosité coutumière. « Dans ma manière de traduire, il y a de la pensée, de la réflexion qui n’est pas discursive, explique-t-elle, c’est-à-dire qui n’est pas produite en aplomb, mais qui se déploie pendant que je fabrique le texte. » Oui, « fabrique », car pour Rosie Pinhas-Delpuech traduire est « quelque chose d’agissant », une place privilégiée qui permet de mieux comprendre comment « c’est fait », comment le sens s’agence à l’intérieur et entre les mots, comme dans une partition musicale.

Pour Rosie Pinhas-Delpuech, traduire représente donc « une activité d’écriture » à part entière. C’est d’ailleurs en passant par le détour de la traduction qu’elle a découvert le droit et le bonheur d’écrire ses propres textes, des récits qui, comme « Le typographe de Whitechapel » paru en 2021, expriment le même besoin de dire, d’éclairer et de faire chanter le monde.

 

Rencontre avec les auteurs :

Neuchâtel, Sens’Egaux, 2a, rue de la Côte, lundi 13 novembre 2023 à 20 h.

Lausanne, Librairie de la Louve, 3, place de la Louve, mardi 14 novembre 2023 à 18 h 30.

Genève, Le Commun, 10, rue des Vieux-Grenadiers (2e étage), « Carte blanche aux Désirables » dans le cadre de la Fureur de lire, samedi 25 novembre 2023 de 13 à 17 h.

https://www.editions-baconniere.ch

 

« La faille du Bosphore ». Entretiens de Rosie Pinhas-Delpuech avec Maxime Maillard sur le métier de traduire et d’écrire. La Baconnière, 116 p. En librairie le 3 novembre 2023.

Pourquoi et comment devient-on traducteur ? Quels sont les bonheurs et les difficultés du métier ? Ecrire un livre et traduire un roman ou un poème procèdent-ils d’un même besoin, d’un même talent ? Voilà, parmi d’autres, quelques-unes des questions abordées dans cet élégant petit ouvrage d’entretiens. « La faille du Bosphore » réunit en un vivant face-à-face la traductrice […]

J’aime les pas de côté. Une liberté que je m’arroge volontiers jusque dans ce blog censé prioritairement s’intéresser au polar, mais plus largement placé sous le signe généreux de la ville, de l’architecture et du regard sur le monde. Cette élasticité me permet de vous parler aujourd’hui d’un livre magnifique d’Orhan Pamuk – Prix Nobel de littérature 2006 – « Souvenirs des montagnes au loin ». Hors genres et catégories, cet ouvrage élégant propose une sélection de 200 doubles pages reproduites en fac-similé et tirées des carnets dessinés que l’écrivain turc tient depuis plus de dix ans. Relevons que ce livre est publié en avant-première en France. « En France et chez Gallimard, parce que c’est Gallimard qui a inventé la publication des journaux d’écrivains vivants, avec le « Journal » de Gide, qui reste le journal le plus célèbre », précise l’auteur dans une interview publiée sur le site de son éditeur. Précisons aussi qu’Orhan Pamuk a aujourd’hui 70 ans, l’âge de Gide à l’époque.

La peinture, un premier amour

L’attachement d’Orhan Pamuk aux arts visuels est connu. Il a souvent raconté comment, entre sept et vingt-deux ans, il pensait devenir peintre, avant d’étudier l’architecture et le journalisme, puis d’opter pour l’écriture. Cette passion fut aussi relayée, en 2012, par la création, à Istanbul, du Musée de l’innocence, conçu parallèlement à l’écriture d’un roman éponyme en forme de miroir.

« Souvenirs de la montagne au loin », lui, relève du journal et non de la fiction. Il s’agit d’un curieux projet « bilingue » puisque tout entier consacré au « bonheur de recouvrir un dessin de texte » – texte à son tour traduit ici en français. L’écrivain y évoque sa ville d’Istanbul, ses voyages, ses séjours aux Etats-Unis ou en Inde, ses rêves nocturnes, parfois le menu de ses repas, ses baignades, ses doutes et son travail d’écrivain, ses agacements quotidiens. L’image, essentiellement des paysages, ne se contente jamais d’illustrer son propos. A l’inverse, les mots et les lettres acquièrent une vie propre, une dimension esthétique en soi.

Une irrépressible frénésie de remplissage

Ces feuillets saturés de traits et de signes emmènent le lecteur dans un espace incertain qui tient à la fois de la scène de théâtre et de l’écran de cinéma, deux rectangles accolés où l’image et le texte – un peu comme dans l’art brut – cohabitent, s’ignorent, se fondent et parfois s’entredévorent comme saisis par une irrépressible frénésie de remplissage. Dans l’interview de Gallimard, Orhan Pamuk précisait aussi que ce journal a toujours été pensé dans la perspective d’une possible publication. « Je suis un auteur conscient de moi-même, précise-t-il. Je n’ai pas voulu d’un journal qui soit des mémoires ou une confession, j’ai voulu faire de ces pages un espace artistique. » Cela ne l’empêche pas d’évoquer son « programme habituel de nage », une terrible douleur à l’oreille, la prise d’un somnifère pour calmer ses « peurs existentielles les plus profondes » ou la beauté et la tendresse de sa compagne Asli Akyavas, devenue en avril 2022 sa deuxième épouse.

Illustration: ©2022, Orhan Pamuk, tous droits réservés

 

« Souvenirs des montagnes au loin ». Carnets dessinés d’Orhan Pamuk. Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes. Gallimard, 392 p.

J’aime les pas de côté. Une liberté que je m’arroge volontiers jusque dans ce blog censé prioritairement s’intéresser au polar, mais plus largement placé sous le signe généreux de la ville, de l’architecture et du regard sur le monde. Cette élasticité me permet de vous parler aujourd’hui d’un livre magnifique d’Orhan Pamuk – Prix Nobel […]

Une fois n’est pas coutume, délaissons le polar pour déguster un petite merveille, « Comment j’ai rencontré les poissons » du Tchèque Ota Pavel, une chronique familiale douce amère pleine d’humour, d’intelligence et de tendresse. Publié en 1971, deux ans avant la mort de son auteur, ce livre vient de sortir en poche dans la collection Folio. Et c’est le grand écrivain italien Erri De Luca qui, en quatrième de couverture, lui sert d’ambassadeur en nous promettant « une lecture physiquement contagieuse, qui produit des bulles de joie sous la peau ». Il dit vrai! Ce livre est un régal.

Une vie marquée par la tragédie

Qui est Ota Pavel? De son vrai nom Otto Popper, il est né en 1930 à Prague d’un père juif et d’une mère chrétienne. Ses deux frères aînés, Jirka et Hugo, l’initient à la pêche. Arrive la Seconde Guerre mondiale qui met fin à cette vie heureuse. Les enfants ne peuvent plus aller à l’école, la famille Popper quitte Prague pour s’installer dans la maison des grands-parents à Buštěhrad en Bohème – on y trouve aujourd’hui un musée consacré à l’écrivain. Les deux aînés puis le père sont envoyés en camp de concentration. Par chance, ils survivront et reviendront à la fin de la guerre, plus ou moins mal en point. C’est à ce moment-là que la famille change de nom pour prendre celui de Pavel.

Joueur de hockey passionné, le jeune Ota rêve de devenir professionnel. Il doit y renoncer mais décroche un poste de journaliste sportif à la radio nationale. Et c’est lors d’un reportage aux Jeux olympiques d’hiver d’Innsbruck en 1964 que se manifestent les premiers signes de sa maladie mentale. Après avoir reçu des injures antisémites de la part d’un joueur, il part dans les montagnes et met le feu à une grange dont il fait sortir les animaux pour les épargner. « Je désirais allumer une grande lumière pour chasser le brouillard », écrira-t-il pour expliquer son geste. Diagnostiqué bipolaire, il est hospitalisé à de nombreuses reprises avant de mourir, d’une crise cardiaque, le 31 mars 1973. C’est durant cette période de souffrance extrême qu’il a écrit ses livres. Deux d’entre eux sont traduits en français.

Rivières et poissons

« Comment j’ai rencontré les poissons » évoque tout cela avec humour et malice, avec un brin de mélancolie parfois, mais sans tristesse. Et avec une fraîcheur de regard qui trouve ses racines dans l’enfance. Au gré de descriptions magiques et sensibles, l’écrivain partage avec le lecteur son amour pour les ruisseaux, les rivières, les étangs et les barrages à poissons, « ce que j’avais jamais vécu de plus beau ». A ses côtés, on guette, on braconne, on capture. On s’émerveille devant les chevaines argentés, le barbeau élégant, les anguilles d’or, les gardons ventrus des eaux calmes et les vandoises des courants rapides. Sans oublier de somptueuses carpes malheureusement confisquées par la Wehmarcht.

Champion du monde dans la vente d’aspirateurs

Au fil de ce voyage dans le passé, Ota Pavel compose également un magnifique portrait de son père Leo. Un homme excessif et généreux, recordman du monde de la vente d’aspirateurs et de réfrigérateurs pour la firme Electrolux et capable de faire un miracle pour offrir à ses fils un dernier repas de viande avant leur départ pour le camp de concentration. Lui-même revenu sain et sauf de l’enfer, ce père relève alors avec une énergie déconcertante les plus improbables défis comme la diffusion d’un attrape-mouches prétendument révolutionnaire ou l’élevage de lapins argentés de Champagne. Et quand, alors qu’il est mourant, une ambulance vient le chercher pour l’emmener à l’hôpital, il accroche fièrement au portillon de sa maisonnette une belle pancarte qui proclame: « Je reviens de suite ».

« Comment j’ai rencontré les poissons ». De Ota Pavel. Traduit du tchèque par Barbora Faure. Folio, 276 p.

Une fois n’est pas coutume, délaissons le polar pour déguster un petite merveille, « Comment j’ai rencontré les poissons » du Tchèque Ota Pavel, une chronique familiale douce amère pleine d’humour, d’intelligence et de tendresse. Publié en 1971, deux ans avant la mort de son auteur, ce livre vient de sortir en poche dans la collection Folio. […]

En 2009, dans « L’homme inquiet », l’inspecteur Kurt Wallander prenait congé  du monde pour sombrer dans l’oubli. Atteint par la maladie d’Alzheimer, il ne reviendrait plus. Beaucoup de lecteurs ont alors pleuré la perte d’un compagnon de misère éclairé, d’un complice en désespérance habitée. Les mêmes, et beaucoup d’autres, pleurent aujourd’hui la mort de son père. L’écrivain Henning Mankell s’est éteint dans la nuit du 4 au 5 octobre à Göteborg, à 67 ans, victime de ce cancer auquel il avait consacré son dernier livre, « Sable mouvant. Fragments de ma vie », paru au Seuil il y a quelques semaines.

Mankell y parle de la maladie, de la mort, de lui et du monde, oui de lui dans le monde car l’un et l’autre étaient chez lui indissociables. Il y évoque son amour du théâtre et de l’Afrique, nous rappelant qu’il a longtemps partagé sa vie entre la Suède et le Mozambique. Parmi ses réflexions et ses riches souvenirs, il nous offre aussi, une dernière fois, l’une de ces histoires exemplaires dont il avait le secret.

Le chapitre s’intitule « Les hippopotames ». L’auteur y raconte une partie de pêche sur un affluent du Zambèze qui avait failli très mal tourner. Ils étaient quatre, partis traquer le poisson-tigre, « serrés dans un petit hors bord en plastique » dont ils avaient coupé le moteur. Au moment de redémarrer, impossible. Et catastrophe! Les hippopotames étaient là, tout près, extrêmement agressifs. La mort semblait certaine. Au dernier instant, miracle, le moteur était reparti. Evoquant l’aventure des années plus tard, l’un des compagnons de Mankell y voyait l’intervention divine. L’écrivain lui répliquait: « Les bougies étaient noyées, c’est tout. La religion n’a rien à voir là-dedans. » Et de conclure: « Mon ami n’a rien dit. Pour lui, l’hypothèse d’un Dieu était plus satisfaisante. C’était son choix. Ce n’était pas le mien. Dieu ou les bougies d’allumage. Nous n’avions pas fait le même. »

Oui, Henning Mankell était bien plus qu’un tout grand auteur de polars. C’était un magnifique écrivain et un remarquable conteur. Qui ne se souvient pas avec émotion de son roman « Les Chaussures italiennes »? Et tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer gardent le souvenir d’un homme exigeant, voire impatient, soucieux de ne pas perdre son temps, mais d’une extrême générosité dès qu’il s’agissait de raconter.

Ce jour-là, le 29 mars 2013, Henning Mankell était l’invité du festival Quais du polar à Lyon. Devant un parterre nombreux et attentif, grand seigneur, il nous avait régalé, plein d’humour et de finesse, avec une histoire africaine. Une histoire de gendarme et de voleur. La voici:

« Cela s’est passée, il y a quelques années, à Maputo, la capitale du Mozambique. J’étais là, j’attendais quelqu’un, et  je vois passer un policier avec un voleur qu’il avait apparemment attrapé au marché. Il le tenait comme ceci (Mankell empoigne son col de chemise). Ils étaient en route pour le commissariat de la ville. Soudain, ils s’arrêtent. Le policier vient de se rendre compte que ses chaussures ont besoin d’être nettoyées. Or, justement, il y a là un cireur de chaussures.

Le policier dit quelque chose au voleur, qui a l’air tout content. Peu après, il lui donne un peu d’argent.  Le voleur s’éloigne et revient avec un journal. Le policier lit tranquillement en attendant que le cireur ait terminé, puis il empoigne à nouveau fermement le voleur par le col et l’emmène au commissariat.

J’ai trouvé cette scène très intéressante, conclut Mankell. Elle montre que dans un pays où il n’y a jamais eu de police auparavant, tant les policiers que les voleurs ont besoin d’apprendre comment se comporter. »

Ayant terminé son récit, l’écrivain ajouta à l’attention de son auditoire séduit: « Vous pouvez raconter cette histoire à d’autres sans avoir à me payer de droits d’auteur. »

Dont acte. Merci Henning Mankel, nous ne vous oublierons jamais.

 

A lire ou relire, outre les multiples enquêtes de Kurt Wallander et les très beaux romans:

« Mankell (par Mankell). De Kirsten Jacobsen. Seuil, 293 p.

« Sable mouvant. Fragments de ma vie ». De Henning Mankell. Seuil, 352 p. 

 

 

 

En 2009, dans « L’homme inquiet », l’inspecteur Kurt Wallander prenait congé  du monde pour sombrer dans l’oubli. Atteint par la maladie d’Alzheimer, il ne reviendrait plus. Beaucoup de lecteurs ont alors pleuré la perte d’un compagnon de misère éclairé, d’un complice en désespérance habitée. Les mêmes, et beaucoup d’autres, pleurent aujourd’hui la mort de son père. […]

A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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