Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Il est des découvertes précieuses et rares comme celles que nous valent les nouvelles traductions. « Une fratrie » de Brigitte Reimann fait partie de ces surprises-là. Grâce à la traductrice Françoise Toraille et aux Editions Métailié, le lecteur non germanophone peut s’aventurer aujourd’hui dans l’univers magistral et envoûtant de l’une des plus importantes écrivaines est-allemandes. Est-allemandes, oui, car née en 1933 à Burg, cette grande dame des lettres a passé l’essentiel de sa vie en RDA. Elle y est morte en 1973 d’un cancer, à 50 ans, laissant un grand roman inachevé, « Franziska Linkerhand ».

« Fratrie » – qui nous est offert aujourd’hui dans le texte original grâce à une récente découverte du manuscrit que l’on croyait perdu – était paru en 1963 dans une version censurée par la Stasi. L’ouvrage n’en suscita pas moins de vives discussions tant à l’Est qu’à l’Ouest. L’écrivaine l’avait terminé en 1961, quelques mois avant la construction du mur de Berlin. Consacré à la tragédie des familles fracturées par la division de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, ce roman intense, engagé, parfois drôle, reçut en 1965 le prix Heinrich Mann.

Pour incarner cette souffrance mais aussi l’espoir de voir triompher les valeurs portées par la RDA, l’auteure a choisi une sorte d’alter ego magnifique, Elisabeth Arendt, 24 ans. Alors que cette dernière vient d’apprendre que son frère préféré, Uli, envisage de passer à l’Ouest, la jeune femme se souvient de toutes les années partagées avec ce complice adoré. Elle évoque aussi l’arrivée des Russes, le lieutenant blond et maigre venu de Kiev qui vécut un temps chez eux et qui préparait du chachlick sur un feu allumé dans la buanderie. Elle nous parle enfin du courage de ses parents acceptant sans broncher les privations, le changement et les nouvelles tâches qui leur sont imparties.

Audacieuse, lucide, altruiste mais rebelle aux absurdités administratives du nouveau régime, Elisabeth, dite Betsy, travaille comme peintre dans un combinat – un « groupe d’entreprises d’un même domaine de production coopérant en vue d’un meilleur rendement », nous apprend le glossaire à la fin du livre – dans le but d’amener la culture aux ouvriers. Bien que profondément convaincue par sa tâche, elle refuse de se soumettre au diktat du réalisme socialiste imposé par le Parti et revendique le droit à une certaine subjectivité. Il en résulte, dans le roman, un débat animé sur l’art qui, à l’époque, ne fut pas du goût des censeurs.

Dans un style à la fois lyrique et rugueux, poétique et nerveux, par instant presque saccadé, Brigitte Reimann donne à voir autant qu’à lire sa perception de cette Allemagne nouvelle. Outre de petits morceaux de paysages, elle nous offre une véritable galerie de portraits saisissants. Il y a Uli, bien sûr, le frère à l’imagination si fertile, puis Joachim, l’amoureux ennuyeux mais si doux et rassurant, enfin le brigadier Lukas, travailleur intègre féru d’histoire de l’art, un homme qui aime Botticelli et Raphaël. Même la Stasi y fait une brève apparition sous les traits d’un inconnu dont le « visage était celui du jeune homme bien comme il faut d’à côté« . Tout en mentionnant avec cynisme que certaines personnes les appellent aussi la main noire, il reproche à la jeune femme d’avoir créé un groupe réactionnaire dans le cercle des peintres amateurs de l’usine. Le roman ensuite se termine, ou presque, avec une interrogation terrible et prémonitoire sortie de la bouche du frère prêt à l’exil, mais contraint d’y renoncer: « Quel Etat est-ce donc que celui où la sœur dénonce son frère? »

 

« Une fratrie « . De Brigitte Reimann. Traduit de l’allemand par Françoise Toraille. Postface par Nicole Bary. Editions Métailié, 182 p.

Il est des découvertes précieuses et rares comme celles que nous valent les nouvelles traductions. « Une fratrie » de Brigitte Reimann fait partie de ces surprises-là. Grâce à la traductrice Françoise Toraille et aux Editions Métailié, le lecteur non germanophone peut s’aventurer aujourd’hui dans l’univers magistral et envoûtant de l’une des plus importantes écrivaines est-allemandes. Est-allemandes, […]

« Rue de l’Espérance, 1935 » est la suite de « Passage de l’Avenir, 1934 », le premier roman du Français Alexandre Courban paru l’an dernier chez Agullo. Mêmes lieux, même époque, mêmes protagonistes (le commissaire Bornec et le journaliste de L’Humanité Gabriel Fumel), pas de doute, le cadet ressemble à son aîné comme un frère. Trop peut-être! Après un premier volet passionnant, mais à la construction un peu raide, on aurait souhaité que l’auteur arrondisse les angles, qu’il affine son style et passe de façon plus souple et vivante du document à la fiction. Cela dit, « Rue de l’Espérance, 1935 », reste un bon polar historique qui illustre avec précision et de manière très documentée l’avènement du Front populaire et les ultimes espoirs des militants unis de la gauche pour tenter de tenir à distance le fascisme.

Fin 1934, quand débute le roman, la Seconde Guerre mondiale déjà se profile à l’horizon. Or voilà qu’un drame inédit se produit. Le conducteur de la rame 316 du métro parisien découvre, le dimanche 9 décembre, un homme poignardé à mort dans la voiture de première classe. La seule qui soit de couleur rouge. Aussitôt sur les lieux, le commissaire Bornec constate l’étrange forme du couteau au manche de corne enfoncé jusqu’à la garde dans le cou de la victime. Une signature laissée par l’assassin? La victime, André Legendre, travaillait comme dessinateur industriel à la Société des moteurs Gnome et Rhône, spécialisée dans l’aéronautique. Un domaine ultra-sensible en cette époque de tensions internationales.

Le lecteur, contrairement aux enquêteurs, le comprend très vite. L’assassin, surnommé le Sarde – l’hommes des basses œuvres de l’Ovra, la police politique italienne, n’en est ni à son premier, ni à son dernier crime. L’intérêt du livre n’est donc pas de découvrir son identité, mais de percer à jour ses motivations et celles de ses commanditaires. En parallèle, on s’intéresse aux conditions de travail particulièrement rudes des ouvriers métallurgistes avant de participer, en direct, au fameux 14 juillet 1935 qui vit défiler un demi-million de sympathisants du Front populaire.

Grand connaisseur des journaux de l’époque, et en particulier de L’humanité à qui il a consacré sa thèse, Alexandre Courban en « profite » pour nous offrir des informations de première main. Tapis dans l’ombre, on assiste à l’effervescence d’une séance de rédaction placée sous la surveillance d’André Marty chargé, au nom de la direction du Parti communiste, d’assurer le contrôle politique du journal L’Humanité. On se rend ensuite à une représentation de Tosca à l’Opéra-Comique et l’on découvre, surpris, l’existence du métier de « décrotteur de rails ».  Et comme nous sommes en France, la gastronomie et la culture du bistrot de quartier ne sont pas oubliées.

 

« Rue de l’Espérance, 1935 ». D’Alexandre Courban. Agullo Noir, 280 p.

« Rue de l’Espérance, 1935 » est la suite de « Passage de l’Avenir, 1934 », le premier roman du Français Alexandre Courban paru l’an dernier chez Agullo. Mêmes lieux, même époque, mêmes protagonistes (le commissaire Bornec et le journaliste de L’Humanité Gabriel Fumel), pas de doute, le cadet ressemble à son aîné comme un frère. Trop peut-être! Après […]

Voilà un roman plein d’humour, et qui pourtant n’est pas drôle. « Biotope », de la grande auteure israélienne Orly Castel-Bloom (née en 1960 à Tel-Aviv) serait même plutôt tragique et désespéré. Son narrateur, Joseph Shimel – un presque frère du Joseph de Kafka, comme le suggère la quatrième de couverture – nous fait le récit dépassionné d’une dérive et d’un confinement tout à la fois individuel et sociétal. Solitaire, doté d’un regard d’entomologiste doublé d’une fragilité naïve – celle des enfants qui n’ont pas eu de mère, ou trop peu, il a pour partenaire privilégié la ville, avec sa rumeur obsédante et sa circulation tonitruante. Une sorte de bouchon quasi permanent qu’il observe depuis la fenêtre du premier étage de son immeuble situé boulevard du Roi Saül, « à cinquante mètres à l’est de la rue Ibn Gvirol », et tout près d’un nouveau gratte-ciel de luxe à façade de verre noir surgit de terre il y a quelques années.

Dépassionné, comme sonné par l’existence, Joseph n’est pourtant pas indifférent. Après avoir scruté l’incessant ballet des autobus, son regard s’attarde souvent sur les marginaux, toxicos et autres SDF, qui squattent le trottoir d’en face avec leurs tics, leurs obsessions et leur détresse. Il leur donne des surnoms – l’Equerre, Casquette-flottante, le Surchargé ou le Marcheur – les croise et parfois leur parle lors de ses sorties quotidiennes avec son chien Foxy, un « pseudo-teckel, explique-t-il, que j’ai adopté après avoir été licencié de mon travail de lecteur non titulaire au département de français de l’université de Tel-Aviv. »

A défaut d’un futur prometteur, Joseph a donc un passé qui aurait pu l’être. Un passé à plus d’un titre lié à la France. D’abord par sa mère Monique, protestante huguenote née en 1945 en Normandie. Ensuite pas une thèse de doctorat au sujet des plus prometteurs, « La nourriture, la gastronomie et les restaurants dans La Comédie humaine de Balzac », un énorme travail de recherche et de rédaction, mais qui n’a jamais abouti. Enfin, alors qu’il n’a plus d’argent, c’est encore de la France, plus précisément d’Arromanches, qui lui arrive le salut sous forme d’un héritage inespéré. Sauf que l’on n’échappe pas à son destin et celui de Joseph semble indéfectiblement aspiré par le malheur. Comme celui d’Israël, penserez-vous peut-être. Il est évident que, dans ce roman subtil, plein de d’humanité, et qui fut publié en hébreu en 2022, les analogies et les métaphores possibles ne manquent pas pour qui souhaite les chercher.

 

« Biotope ». D’Orly Castel-Bloom. Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. Actes Sud, 248 p. Prix Transfuge du meilleur roman israélien – 2025. 

Voilà un roman plein d’humour, et qui pourtant n’est pas drôle. « Biotope », de la grande auteure israélienne Orly Castel-Bloom (née en 1960 à Tel-Aviv) serait même plutôt tragique et désespéré. Son narrateur, Joseph Shimel – un presque frère du Joseph de Kafka, comme le suggère la quatrième de couverture – nous fait le récit dépassionné […]

Un petit bijou, ce polar! A la seule idée qu’on aurait pu le manquer, on en frémit rétrospectivement. Comme « Les jours de la peur » paru pour la première fois en français l’an dernier, « Passé, présent et après » de Loriano Macchiavelli se révèle un livre étonnant à tous points de vue. Et tout d’abord visuellement, avec son esthétique un brin désuète, sa couverture en carton à rabats et ses photographies toutes en trames et en grisailles qui encadrent le roman comme une fenêtre ouverte. Saluons à ce propos la philosophie des éditions du Chemin de fer qui, avec cet auteur étonnant, inaugurent leur nouvelle collection Train de nuit consacrée « à des romans noirs à haute valeur littéraire ».

Ce parti pris exigeant nous permet en effet de (re)découvrir avec émerveillement l’un des grands du polar italien, un auteur – aujourd’hui nonagénaire – qui envisageait le roman noir comme une façon d' »être contre » et comme un terrain propice à l’expérimentation. Macchiavelli, par exemple, n’a pas hésité à inclure dans ses récits un narrateur-auteur qui, parlant à la première personne et tapis dans l’ombre, partage avec nous ses doutes tout en commentant avec humour les décisions et les actions du personnage principal, créé en 1974, le sergent Sarti Antonio.

L’autre figure clé des romans de Macchiavelli, c’est Bologne, avec ses luttes politiques, ses beautés et ses laideurs. « Passé, présent et après » est même consacré à un quartier spécifique de la capitale de l’Emilie-Romagne, le Pilastro. « A l’époque, explique l’auteur dans la préface de cette nouvelle traduction destinée aux lecteurs francophones (le roman était déjà paru en 2008 chez Métailié sous un autre titre), le Pilastro était éparpillé dans les champs de la banlieue, c’était presque un bourg construit pour donner un toit aux extra-communautaires d’alors: les Italiens venus du sud. »

Une belle et surprenante rencontre

Le temps d’un roman, ce territoire interlope va devenir la seconde maison de Sarti Antonio. Sanctionné par sa hiérarchie pour avoir laissé dérober dans une exposition trois anciennes pièces de monnaie de grande valeur, il est en effet condamné à y patrouiller de nuit avec la voiture 28 en compagnie de son fidèle chauffeur et collègue Felice Cantoni. Parmi toute une galerie de personnages hauts en couleur croisés à l’occasion, il y fait une fort belle et surprenante rencontre, celle d’un enfant de 11 ans, Claudio, qu’il va tenter de protéger et qui, après bien des détours, lui permettra de démasquer son voleur.

Trônant au Panthéon des fins limiers du roman noir, Sarti Antonio reste un flic de polar atypique. Ni superman ni looser, grand buveur de café – mais qu’il trouve rarement à la hauteur du sien – il souffre de crises de colite qui l’obligent à interrompre à tout moment ses enquêtes pour rechercher des toilettes. Droit, foncièrement honnête, avec une conscience professionnelle et un courage à toute épreuve, il manque en revanche d’esprit de déduction et de synthèse. Pour faire le point sur une affaire, il recourt donc régulièrement à l’esprit acéré de son ami Rosas, un « anar de gauche », une tronche qui passe son temps à lire et étudier tout en sifflotant. Pour la bonne bouche, et sans déflorer la chute de « Passé, présent et après », on mentionnera la dernière scène du roman qui voit Sarti Antonio et Rosas, poursuivis par un homme armé, fuir à deux sur un vélo dont l’un et l’autre ignorent s’il a des freins. « La pente s’obstine à être des plus raides. Je ne peux plus rester derrière les deux zouaves et je les laisse filer », nous prévient le narrateur-auteur. Avant d’ajouter avec humour: « Il me déplairait fort de perdre le sergent Sarti Antonio d’une manière aussi triviale. »

 

« Passé, présent et après ». De Loriano Macchiavelli. Traduit de l’italien par Laurent Lombard. Les éditions du Chemin de fer, 288 p. En librairie le 15 janvier 2025.

 

 

 

 

 

A lire aussi:

« Les jours de la peur », la première enquête du sergent Sarti Antonio. De Loriano Macchiavelli. Traduit de l’italien par Laurent Lombard. Les éditions du Chemin de fer, 192 p.

 

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Dimanche 2 mai 1965. Le grand Louis Aragon se recueille au sommet de la Butte du Lion à Waterloo. Un pèlerinage en lien avec son projet de reprendre entièrement le texte de son roman « Les Communistes ». Alors que l’écrivain redescend pour rejoindre ses compagnons du Parti et les mondanités qui l’attendent à Bruxelles, il essuie un coup de feu qui le rate de peu. On l’exfiltre aussitôt. Ce prétendu attentat sert de point d’ancrage au nouveau roman de François Weerts, « On a tiré sur Aragon ». Un récit où se mêlent allégrement réalité et fiction.

Mécontents de la mollesse avec laquelle la police traite l’agression, le Parti communiste belge (PCB) mandate Viktor Rousseau, un détective privé grand lecteur de polars, pour découvrir qui en voulait à l’auteur de « Les yeux d’Elsa ». Et comme un boulot n’arrive jamais seul, Jean d’Arteveld, le secrétaire perpétuel de l’Académie belge, charge aussi notre limier de faire la lumière sur une deuxième affaire, qui concerne un ancien proche d’Aragon. En résumé, un homme de lettres bruxellois aurait retrouvé un manuscrit égaré de l’écrivain Paul Nizan et posséderait la preuve que ce dernier – qui venait de rompre avec le Parti communiste – aurait été abattu par un commando soviétique alors qu’il combattait sur le front. Un véritable assassinat couvert par Aragon pour des raisons idéologiques. Une affabulation rocambolesque? A Viktor Rousseau de le prouver, et ce ne sera pas facile.

On l’a compris! François Weerts, né en 1960 à Addis-Abeba, n’est pas un amateur de lignes droites, de résumés et de synthèses. Au risque de lasser son lecteur, ce journaliste établi à Waterloo l’emmène quasiment heure par heure à travers les innombrables méandres d’une enquête qui piétine, s’effiloche, se dédouble et n’évite pas les culs-de-sac. Et pourtant, on croche et on s’accroche car l’auteur parvient à merveille à saisir, dans toute leur ambiguïté, ces années 1960 encore hantées par le fantôme de la Seconde Guerre mondiale. Une époque où les plaies de la collaboration et les stigmates de l’épuration sont encore vivaces. Viktor Rousseau, le sympathique enquêteur de François Weerts, le découvrira à ses dépens. Avec amertume et tristesse.

 

« On a tiré sur Aragon ». De François Weerts. Rouergue noir, 448 p. En librairie le 8 janvier 2025.

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L’écriture semble un peu sage, les dialogues un brin scolaires? Surtout ne vous laissez pas décourager par cette première impression. Il serait vraiment dommage de passer à côté d' »Etincelles rebelles » de Macodou Attolodé. Si les principales qualités de cet excellent polar sénégalais résident dans la richesse et l’engagement de son propos, il faut aussi relever les affinités de l’auteur avec l’étrange et son talent pour incruster de magie un récit solidement ancré dans le réel.

Cette créativité, cette souplesse, Macodou Attolodé les doit à ses origines et son parcours. Né en 1991 à Dakar, arrivé en France après son bac pour faire des études d’ingénieur, il travaille aujourd’hui à Rennes comme développeur d’applications web. « Etincelles rebelles, » son premier roman, nous emmène à Dakar puis en Casamance en compagnie du jeune inspecteur Gabriel Latyr Faye. Un homme aussi courageux qu’intègre!

Exil en Casamance

Après un an de recherches et huit mois d’infiltration, ce brillant policier vient justement d’arrêter le chef d’une puissante organisation criminelle spécialisée dans le trafic international de cocaïne. Sa hiérarchie lui donne l’ordre de relâcher sur le champ ce prisonnier prétendument innocent. Il l’ignore. On lui fait alors miroiter une promotion avantageuse, mais immédiate. Qu’il décline également pour ne pas devoir lâcher l’enquête en cours. La sanction, dès lors, ne se fait plus attendre. L’après-midi même, Latyr est muté à Ziguinchor, en Casamance, dans le sud-ouest du pays, une région en proie à un conflit larvé opposant les rebelles du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) à l’armée sénégalaise. Il y fait la connaissance d’Aguène, une journaliste intrépide impliquée elle aussi dans la lutte contre le trafic de drogue. Ils décident de mettre en commun leurs forces. Et le lecteur en profite pour s’initier à tout un pan de l’histoire récente du pays.

Le mal ne joue pas franc jeu

Pour mener à bien leur mission, Aguène et Latyr bénéficient de protections aussi insolites qu’imparables. Le policier prend régulièrement un médicament qui, fourni par sa mère, le fait immédiatement vomir dès qu’il ingère un aliment nocif, voire empoisonné. La jeune femme bénéficie, elle, de l’inestimable soutien d’un grand-père un peu sorcier et de l’essaim d’abeilles qui lui sert de bouclier, « ma barrière naturelle de solitude », comme ce dernier le désigne joliment. Leur combat contre les trafiquants et un ministre particulièrement véreux n’en restera pas moins rude d’autant qu’en Casamance « le mal ne joue pas franc-jeu ». Le lecteur se gardera donc de trancher trop vite entre les bons et les méchants. Avec Macodou Attolodé, on n’est jamais au bout de ses surprises. Et c’est l’une des nombreuses qualités de son roman.

 

« Etincelles rebelles ». De Macodou Attolodé. Gallimard, Série noire, 370 p. En librairie le 9 janvier 2025.

L’écriture semble un peu sage, les dialogues un brin scolaires? Surtout ne vous laissez pas décourager par cette première impression. Il serait vraiment dommage de passer à côté d’ »Etincelles rebelles » de Macodou Attolodé. Si les principales qualités de cet excellent polar sénégalais résident dans la richesse et l’engagement de son propos, il faut aussi relever […]

A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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