Auteur très prolifique – et parfois inégal – Peter May est l’homme de toutes les surprises. On l’a découvert défenseur passionné des beautés de l’île de Lewis dans sa célèbre Trilogie écossaise. On l’a retrouvé installé dans le Lot et tombé amoureux de la France dont il a pris la nationalité en 2016 et où il a situé plusieurs de ses romans policiers. Parallèlement, on a appris qu’il était aussi l’auteur d’une série remarquée de polars chinois. Et le voici, majestueux et magistral, qui revient à 73 ans à ses premières amours.
« Loch noir » se déroule en effet sur l’île de Lewis, dans les Hébrides extérieures. Subtilement émaillé de réminiscences et de flash-back, caractérisé par une météo magnifique, et donc rarissime, ce livre marque aussi le retour de Fin MacLeod, l’enquêteur de la Trilogie écossaise. L’homme a pris quelques rides. Il a quitté son job de policier pour tenter d’échapper aux terribles cauchemars qui hantent ses nuits. Il travaille désormais dans le civil, au sein d’une unité de criminalistique informatique. Ce qui, question horreur et violence, ne vaut sans doute guère mieux. Fin MacLeod forme par ailleurs avec Marsaili, son amour de jeunesse, un couple un peu triste et anémique qui brutalement va devoir se resouder pour affronter une terrible nouvelle: leur fils, Fionnlagh, enseignant, vient d’être arrêté pour meurtre.
Installé sur l’île de Lewis avec sa femme et sa petite fille, Fionnlagh est soupçonné d’avoir violé puis tué Caitlin Black, 18 ans. Elle était sa maîtresse, et son élève. Mais Fin MacLeod ne peut y croire. De retour dans l’archipel avec Marsaili, il mène discrètement l’enquête. Aussitôt, par bribes effilochées, les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse lui reviennent en tête et l’assaillent. Il y est notamment question de l’accident mortel qui l’a laissé orphelin trop tôt ainsi que des saumons volés dans un élevage avec une bande de copains. Une maraude qui s’est tragiquement terminée par la noyade de l’un d’entre eux.
Or c’est ce même élevage de saumons – agrandi et développé – qui se retrouve au cœur du roman. Nageuse hors pair, Caitlin, la jeune morte, collaborait étroitement avec un activiste anti-pisciculture. Leur but: dénoncer les conditions scandaleuses dans lesquelles meurent par dizaines de milliers les saumons, attaqués par les méduses et les poux. Des descriptions et des détails répugnants que l’on déconseille à tout gourmet amateur de salmonidés!
Visiblement bien documenté, Peter Maye intègre aussi très habilement dans son roman la vision dantesque de douzaines de baleines venues s’échouer sur la plage. Et qu’on ne parviendra pas à sauver. Un épisode qui aura des retombées inattendues sur le dénouement du récit. Tout à la fois lyrique et militant, « Loch noir » participe donc d’une architecture complexe. Pour mieux marier présent et passé, Peter May déploie son intrigue comme un double filet dont les mailles parfois s’ajustent, révélant au grand jour des vérités longtemps enfouies. Une manière habile et subtile de tenir le lecteur en haleine. Du grand art!
« Loch noir ». De Peter May. Traduit de l’anglais par Ariane Bataille. Rouergue noir, 368 p.
Auteur très prolifique – et parfois inégal – Peter May est l’homme de toutes les surprises. On l’a découvert défenseur passionné des beautés de l’île de Lewis dans sa célèbre Trilogie écossaise. On l’a retrouvé installé dans le Lot et tombé amoureux de la France dont il a pris la nationalité en 2016 et où […]
Rien de tel qu’un sursaut de l’hiver pour mieux apprécier le printemps. Et quand ce retour des froidures est incarné par Valerio Varesi, on prolonge volontiers l’expérience le temps d’un polar. Réinventant à chaque livre images et sensations, l’écrivain parmesan n’a pas son pareil pour célébrer les brumes, l’humidité, la neige et, surtout, « la ouate du brouillard avec sa matière de coquillage aux contours bien définis ». Avec les années, la région, qui évoque un « gros galet enfoncé dans la cotonnade d’une bonbonnière », a toutefois bien changé. Parme semble désormais régie par la violence, le racisme, le fanatisme et l’avidité. Sans même parler des patrouilles citoyennes d’extrême droite et des règlements de compte entre trafiquants.
Dans l' »Autre loi » – la dixième enquête du commissaire Soneri traduite en français chez Agullo – l’hiver ne figure donc pas qu’au calendrier. Il règne aussi dans les cœurs. Soneri, qui a toujours cru en l’homme et en l’humanité, s’en trouve complètement désemparé. Il ne reconnaît plus rien, ne comprend plus rien à l’instar de l’aveugle qui figure au centre de ce nouveau récit. Gilberto Forlai, 76 ans, est l’un de ces personnage forts, solitaires et ambigus chers à l’auteur. Dans son incapacité vitale à accepter le changement – un carrefour modifié en ville, et il est perdu – il sert de résonnateur et de réceptacle à l’intrigue. Peu à peu, à travers lui, sont ainsi remis en question tous les habituels repères entre le vrai et le faux. le bien et le mal, le juste et l’injuste.
En polar digne de ce nom, « L’autre loi » commence par un meurtre. Un jeune Tunisien, Hamed Kalimi, « l’homme à tout faire » de l’aveugle, est assassiné dans l’appartement de ce dernier. Peu après, c’est un Algérien en situation parfaitement régulière qui est grièvement blessé à l’arme blanche. Et bien sûr, dans leur entourage, personne ne sait rien. « L’omerta involontaire était parfois plus nocive que la volontaire », relève à ce propos le commissaire.
Pour tenter d’y voir plus clair, Soneri s’immerge alors dans la communauté musulmane de Parme. Il y découvre l’existence, inquiétante et fantomatique, d’un imam fanatique et boiteux. Parallèlement, il enquête sur un dealer, et potentiel suspect, un type grand et sec qui, étrangement, s’est rendu plusieurs fois à la bibliothèque Palatina. Son propos? Consulter des ouvrages sur un certain Giovanni da Modena. Ce peintre, qui a vécu à cheval entre le XIVe et le XVe siècle, est notamment l’auteur d’une fresque qui se trouve à la chapelle Bolognini de l’église San Petronio de Bologne et qui représente Mahomet en enfer – une scène inspirée par la « Divine Comédie » de Dante. Un projet d’attentat en représailles à ce « blasphème » ? Des soupçons aux preuves, le chemin est rude et long, mais Soneri persévère, conscient comme toujours que « chaque enquête apporte plus d’interrogations que de réponses ».
« L’autre loi ». De Valerio Varesi. Traduit de l’italien par Gérard Lecas. Agullo Editions, coll. « Agullo Noir », 438 p.
Sur un autre livre de Valerio Varesi: https://polarspolisetcie.com/parme-petite-republique-des-faussaires/
Rien de tel qu’un sursaut de l’hiver pour mieux apprécier le printemps. Et quand ce retour des froidures est incarné par Valerio Varesi, on prolonge volontiers l’expérience le temps d’un polar. Réinventant à chaque livre images et sensations, l’écrivain parmesan n’a pas son pareil pour célébrer les brumes, l’humidité, la neige et, surtout, « la ouate […]
Par les temps qui courent et le vent de folie dominant, il est particulièrement judicieux de se souvenir du passé. L’histoire, la grande histoire, se retrouve donc tout naturellement au cœur de nombreux polars publiés récemment. L’Islandais Arnaldur Indridason, lui, n’a pas attendu ce déferlement nostalgique pour en faire la pâte de ses récits. Depuis près de trente ans, c’est le passé, en particulier celui de son pays, qui d’une manière ou d’une autre sert de socle à ses romans.
Avec « Les lendemains qui chantent », sixième volet des enquêtes du policier retraité Konrad, c’est du côté de la guerre froide et des années 1970 qu’il choisit d’emmener son lecteur. Une époque trouble à plus d’un titre, où l’on assiste à un curieux trafic de Lada d’occasion avec l’Union soviétique, où les gens qui ont le cœur à gauche peuvent se révéler des espions à la solde de Moscou tandis que d’autres, déçus par la fameuse promesse des « lendemains qui chantent », choisissent au contraire de se mettre au service des Américains.
Dans ce roman, comme toujours chez Indridason, c’est du présent que démarre la traque aux fantômes. Et comme souvent chez lui, il y est question d’un homme disparu depuis des décennies dont le cadavre soudain refait surface – ici dans une sorte de grotte étroite aménagée pendant la guerre. Cet homme, le fidèle lecteur d’Indridason l’a déjà croisé. Il s’agit de Skafti Timoteus Hallgrimsson dont le prétendu meurtrier avait été condamné à une lourde peine après avoir reconnu, sous la pression, avoir jeté son corps dans la mer. Or il se trouve que le responsable de cette enquête bâclée n’était autre que Leo, un collègue et grand ami de Konrad qui, à l’époque, avait assisté à l’interrogatoire. Et qui, pris de remords, réendosse sans hésiter ses vêtements d’enquêteur.
A partir de cette pelote d’interrogations et d’indices finement crochetée, Arnaldur Indridason élabore un récit à l’architecture complexe dont il dénoue un à un les fils avec une malice de joueur d’échecs. Sortant de sa réserve, il se permet aussi de jeter sur la Russie un regard sévère et désabusé qui renvoie directement à la situation actuelle. Pourquoi son peuple ne se bat-il pas avec plus d’ardeur pour vivre dans une vraie démocratie et avoir le droit de penser librement, s’interroge l’un de ses personnages. Pourquoi ne brise-t-il pas ses chaînes? Pourquoi supporte-il cet enfer depuis des siècles, de génération en génération. Alors l’homme, un Russe de passage à Reykjavik, tristement reconnaît: « Nous ne connaissons rien d’autre. Nous ne savons pas faire autrement. C’est à croire que la terreur et l’oppression coulent dans nos veines. »
« Les lendemains qui chantent ». D’Arnaldur Indridason. Traduit de l’islandais par Eric Boury, Editions Métailié, Noir, 326 p.
Sur un autre livre d’Arnaldur Indridason: https://polarspolisetcie.com/les-noires-obsessions-darnaldur-indridason/:
Par les temps qui courent et le vent de folie dominant, il est particulièrement judicieux de se souvenir du passé. L’histoire, la grande histoire, se retrouve donc tout naturellement au cœur de nombreux polars publiés récemment. L’Islandais Arnaldur Indridason, lui, n’a pas attendu ce déferlement nostalgique pour en faire la pâte de ses récits. Depuis […]
Le nouveau polar de Simone Buchholz? Un poème en prose, un récit fractionné superbe et triste autour de « quelqu’un qui contemple en même temps son passé, son présent et son avenir, qui est prisonnier de tout, de l’avant, du maintenant et de l’après-demain ». Un roman comme toujours un peu étrange et très travaillé, sobrement, tout naturellement, baptisé « River Clyde ».
La personne en question, les fans de l’autrice allemande l’ont reconnue, c’est la procureure Chastity Riley, dite Chas, l’héroïne hirsute de ses romans précédents situés à Hambourg. En congé forcé à la suite d’une prise d’otages qui a mal tourné et qui s’est terminée avec la mort d’un collègue et ami, cette rousse fantasque et un brin déjantée se laisse peu à peu dépérir. Au grand dam de son coéquipier, le séduisant, ténébreux et à sa manière amoureux Ivo Stepanovic, ainsi que de ceux qui travaillaient avec elle et qui se retrouvent eux aussi traumatisés par le drame.
Or voilà que le salut, du moins temporaire, arrive. Par le biais d’une lettre envoyée à Chas de Glasgow. Il y est question d’une maison léguée par une tante qui vient de décéder. Cette occasion de changer d’air tombe à pic. Notre enquêtrice sort de sa léthargie, saute dans un avion pour l’Ecosse et part sur les traces de sa famille et de ses racines. Parallèlement, fidèle aux codes du polar plus classique, une partie du roman se poursuit à Hambourg où les policiers Stepanovic et Calabretta cherchent à coincer les auteurs d’une série d’incendies criminels, et meurtriers.
Contre-poids aux bars bien-aimés du quartier hambourgeois de Sankt Pauli, Glasgow, son fleuve, ses pubs accueillent généreusement notre exilée funambule. Elle se saoule à la bière et au whisky en écoutant Johnny Cash. Elle y croise l’homme qui avait tant aimé sa tante Eliza et lui assure que « même avec un cœur transpercé, tu peux parcourir le monde, il en sortira juste une autre sorte d’amour ». Dans sa vieille bagnole, il l’accompagne ensuite dans le sud des Highlands pour découvrir la maison. Un paysage à la fois « incroyablement beau et incroyablement terrifiant » pour revisiter son passé et finir par envisager la possibilité d’un futur.
« River Clyde » – où le fleuve lui aussi devient un personnage – est un roman du deuil sur lequel on peut embarquer avec ses propres tristesses et désillusions pour une traversée de la douleur sans anesthésie ni calmant. Un voyage qui paradoxalement fait du bien, qui clôt avec subtilité la série consacrée à la procureure Chastity tout en nous suggérant que, la plupart du temps, « ce sont les nuits qui sont les meilleurs jours ».
« River Clyde ». De Simone Buchholz. Traduit de l’allemand par Claudine Layre. L’Atalante, collection Fusion, 222 p.
Sur d’autres livres de Simone Buchholz:
https://polarspolisetcie.com/nuit-de-crystal-a-hambourg/
https://polarspolisetcie.com/romeo-et-juliette-a-breme/
https://polarspolisetcie.com/prise-dotages-dans-un-hotel-de-hambourg/
Le nouveau polar de Simone Buchholz? Un poème en prose, un récit fractionné superbe et triste autour de « quelqu’un qui contemple en même temps son passé, son présent et son avenir, qui est prisonnier de tout, de l’avant, du maintenant et de l’après-demain ». Un roman comme toujours un peu étrange et très travaillé, sobrement, tout […]
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, « Henua » (qui signifie la terre natale en marquisien) toutefois nous rassure. Marin Ledun aborde avec un tel respect cette terre, cette langue et cette culture qui l’émerveillent qu’il déjoue les pièges des clichés et de l’exotisme de pacotille. Alors, certes, les descriptions de lieux et de paysages sont un peu trop nombreuses et systématiques pour être naturelles, on sent aussi le besoin de faire et de dire vrai. Rien à voir cependant avec ces polars biberonnés à Wikipédia qui régulièrement nous inondent.
Fort habilement, Marin Ledun inscrit d’ailleurs son regard et son statut d’étranger au cœur même de son roman. Il le fait à travers les ambivalences et les questionnements de son personnage principal, Tepano Morel, né d’une mère marquisienne et d’un père français. Ce jeune lieutenant de gendarmerie a grandi et s’est formé en métropole avant d’être muté à Papeete, à Tahiti. Dépêché aux Marquises pour enquêter sur un meurtre, il débarque pour la première fois de sa vie sur la terre de ses ancêtres. Il y est accueilli et secondé par la sous-lieutenante Poerava Wong, responsable de la brigade territoriale autonome de Nuku Hiva. Seul bémol, cette jeune femme dynamique et volontaire avait été une amie très proche de la victime, ce qui n’est pas sans poser problème.
Une femme trop belle et trop libre
La morte s’appelait Paiotoka O’Connor. Elle avait 28 ans, un enfant autiste qu’elle élevait seule, et des moyens de subsistance précaires. Décédée des suites d’une blessure à la tête, elle a été retrouvée à proximité du lieu-dit Terre rouge, au sud de l’île, par un chasseur de chèvres sauvages. D’une fascinante beauté, cette femme était aussi très libre, ce qui n’était pas sans engendrer jalousies et malentendus. Cherchant à découvrir son ou ses meurtriers, Tepano Morel va peu à peu prendre conscience qu’entre petits et grands trafics, vivre aux Marquises peut être rude et cruel.
Parallèlement à cette première enquête, Tepano Morel profite de son séjour aux Marquises pour renouer avec ses origines. Il retrouve différents témoins qui ont connu sa mère aujourd’hui décédée et commence peu à peu à comprendre les raisons du silence qu’elle a toujours gardé sur un passé tragiquement hanté par le spectre des essais nucléaires français en Polynésie. Une dénonciation des effets délétères du colonialisme où l’on reconnaît bien le caractère engagé de l’auteur et sa volonté de dénoncer les abus des puissants quels qu’ils soient.
Ce militantisme avoué n’a toutefois rien d’austère. Tandis que son personnage multiplie les rencontres et les entretiens, Marin Ledun s’amuse à brouiller les pistes et à multiplier les potentiels coupables. Il en profite aussi pour nous offrir un amusant clin d’œil en glissant dans la bibliothèque d’un maraîcher marquisien cultivateur de paka (cannabis) deux livres de Simone Buchholz, une excellente auteure de polars allemande. Pas de doute, en plus d’être un écrivain talentueux, Marin Ledun est un lecteur exigeant!
Marin Ledun est l’un des auteurs invités à la 21e édition du festival Quais du Polar qui se tient du 4 au 6 avril à Lyon. https://quaisdupolar.com/
« Henua ». De Marin Ledun. Gallimard, Série noir, 416 p.
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, […]
Même en Ecosse, les beaux jours finissent par arriver. Mais pour Harry McCoy, l’enquêteur écorché vif d’Alan Parks, pas question d’en profiter. Dans « Mourir en juin », sixième volume d’une série articulée autour des mois de l’année et située dans les années 1970 (lire: https://polarspolisetcie.com/mccoy-un-flic-qui-a-peur-du-sang/ et https://polarspolisetcie.com/un-printemps-detonant-a-glasgow/), une fois encore la guerre des gangs menace, la corruption gangrène jusqu’à la police et les cadavres se succèdent. Des clochards, en l’occurrence. Voilà qui touche particulièrement notre inspecteur en chef lui-même issu des bas-fonds de Glasgow et abandonné enfant par un père alcoolique qui vit aujourd’hui – ou plutôt survit, et de plus en plus mal – dans la rue.
Qui peut bien en vouloir à de telles épaves? Pas de doute en effet, après plusieurs morts suspectes, la cruelle vérité s’impose. Il s’agit bien d’homicides. Ces hommes sont morts après avoir bu un liquide frelaté. Redoutant à chaque fois de se retrouver face au cadavre de son père, McCoy interroge tous ceux qui, de près ou de loin, fréquentent ces déshérités humiliés et déchus. Une descente aux enfers dont le lecteur ressort un peu sonné et comme à chaque fois fasciné par la façon dont l’écrivain Alan Parks parvient à marier la présence quasi physique d’une ville hyperviolente et l’ambivalence paradoxale et fragile de son héros toujours à deux pas de basculer dans l’illégalité et l’alcool.
« Pour une fois, Glasgow était gai », ironise Alan Parks dans « Mourir en juin ». La réalité, on l’a vu, l’est beaucoup moins. D’autant que McCoy et son fidèle acolyte Wattie ont été délocalisés au commissariat de Possil dans le cadre d’une prétendue restructuration de la police de Glasgow – nous vous laisserons en découvrir la vraie raison. « Le commissariat de Possil était presque neuf, il datait de moins d’un an, mais il n’avait pas fallu longtemps pour que ses salles d’interrogatoire ressemblent à celles de tous les autres commissariats de la ville. Une salle nue, une table métallique, quatre chaises boulonnées au sol et deux néons dans des cages de fil de fer au plafond. Ça sentait le tabac froid et la sueur rance », décrit l’auteur avec une précision chirurgicale. Dans ce contexte déprimant, les deux policiers, malmenés par leurs nouveaux collègues, vont comme toujours mener de front plusieurs enquêtes imbriquées. Il y est notamment question de la disparition d’un jeune enfant, dont il n’existe nulle trace et qui peut-être n’existe pas. Un bambin dont le père ne serait autre que le sulfureux révérend West, le pasteur de l’inquiétante Eglise des souffrances du Christ! Bref, un polar parfaitement réussi, empathique, complexe, et machiavélique à souhait!
« Mourir en juin ». D’Alan Parks. Traduit de l’anglais par Olivier Deparis. Rivages/Noir, 366 p.
Même en Ecosse, les beaux jours finissent par arriver. Mais pour Harry McCoy, l’enquêteur écorché vif d’Alan Parks, pas question d’en profiter. Dans « Mourir en juin », sixième volume d’une série articulée autour des mois de l’année et située dans les années 1970 (lire: https://polarspolisetcie.com/mccoy-un-flic-qui-a-peur-du-sang/ et https://polarspolisetcie.com/un-printemps-detonant-a-glasgow/), une fois encore la guerre des gangs menace, la […]
A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz