Fines météorites lumineuses et fragiles, les histoires de la très grande écrivaine japonaise Yôko Ogawa – née en 1962 à Okayama – surgissent, telles de magiques étincelles, du discret frottement entre l’imaginaire et le réel. Toujours à la limite entre le possible et l’improbable, ses textes – romans et nouvelles – participent d’un émerveillement un peu triste. Ils disent des destins souvent scellés par la solitude, mais où une rencontre, soudain, fait dévier la trajectoire des habitudes.

« Scènes endormies dans la paume de la main », son nouveau recueil de textes courts évolue en spirale autour du théâtre, de la représentation au sens large, mais en les abordant par la bande, côté fantasmes. Il y est question d’une « ancienne actrice » qui a écrit à la main les répliques de « La ménagerie de verre » de Tennessee Williams sur sa vaisselle. Une autre, au moment de prendre sa retraite, achète un billet pour chaque représentation – soixante-dix-neuf au total – de la comédie musicale « Les Misérables ». Une troisième, dame de compagnie, est engagée par un vieil homme très riche comme « comédienne décorative » avec pour seule mission de vivre son quotidien sur la scène d’un faux théâtre. Plus résolument étranges et dérangeants, quelques textes mettent en scène des animaux participants eux aussi de réalités incertaines.

Chez Yôka Ogawa, la richesse et la complexité s’enracinent dans une grande simplicité stylistique. Les histoires s’enchâssent ou se télescopent avec un naturel confondant, « un siège de théâtre vide ressemble à une tombe », l’imagination s’envole sur les promesses illimitées d’une jupe à fleurs. Tout semble admis, permis, évident, mais la mort souvent rôde en coulisses comme dans des rêves qui, discrètement, frôlent le cauchemar.

 

« Scènes endormies dans la paume de la main ». De Yôko Ogawa. Traduit du japonais par Sophie Refle. Actes Sud, 288 p.

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Souvent galvaudé, le terme d’épopée s’impose ici sans réserve. Nos disparus de l’Américain Tim Gautreaux est un récit ample, généreux, rythmé qui retrace le destin, les défis et les rêves d’une famille de personnages complexes et attachants. En guise de décor: le Mississippi, ses bateaux à roues à aubes et leurs orchestres de jazz. Au cœur de l’histoire, Sam Simoneaux, un jeune homme du Sud de la Louisiane dont toute la famille a été massacrée alors qu’il n’avait que six mois. Un roman  sur la vengeance? Plutôt la démonstration de son absurdité, une réflexion bienvenue à l’heure où certains Etats semblent revenus à la loi du talion et à sa spirale infernale.

Né en 1947 en Louisiane où il vit et enseigne, Tim Gautreaux aime accrocher ses histoires à la grande histoire. En l’occurrence la première Guerre Mondiale. Mais ce qui l’intéresse, c’est l’après. Quand l’Américain Sam Simoneaux débarque en France avec ses compagnons d’infortune, la guerre est finie. On leur confie alors la tâche herculéenne de commencer à nettoyer la campagne des obus qui n’ont pas explosé. Et puis très vite on les renvoie chez eux.

Sam Simoneaux retrouve alors sa jeune femme et devient responsable d’étage dans un grand magasin de la Nouvelle Orléans. Mais sa vie à nouveau bascule quand une petite fille se fait enlever sur son lieu de travail, presque sous ses yeux. Il n’a rien pu faire pour empêcher le rapt, il est licencié. Il part alors à la recherche de l’enfant et, en compagnie des parents musiciens, embarque comme troisième lieutenant sur l’Ambassador, un bateau d’excursion qui sillonne le Mississippi. Le début d’un périple luxuriant, plein de rencontres étonnantes et d’humanité pudique, une fresque magnifique que l’on dévore de bout en bout sans reprendre haleine. Un récit où l’on apprend aussi qu’un « mulet qui parle français » ne daignera vous obéir que si vous vous exprimez dans sa langue.

 

 « Nos disparus ». De Tim Gautreaux. Traduit de l’anglais par Marc Amfreville. Seuil, 540 p. 

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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