Les romans de Louise Penny sont plutôt replets. Ils oscillent en général entre 400 et 500 pages, des pavés donc, mais toujours intelligents, captivants et digestes. Petit cadeau de fin d’année, « Le Pendu », lui, compte moins de cent pages. Il s’agit d’une novella – un texte plus court qu’un roman mais plus long qu’une nouvelle – écrite en 2010 dans le cadre d’un programme d’alphabétisation canadien. On y retrouve, comme en concentré et dans un style privilégiant le dialogue, l’essentiel de l’univers de la grande écrivaine et plusieurs de ses personnages récurrents, dont l’inspecteur-chef Armand Gamache et son adjoint Jean-Guy Beauvoir.
« Le Pendu » se déroule dans un cadre également bien connu des lecteurs de Louise Penny. Three Pines – situé dans les Cantons-de-l’Est – est un hameau très réel et pourtant fictif où règne l’amitié, la bienveillance et l’entraide. Une harmonie qui contraste avec l’horreur du spectacle sur lequel s’ouvre le récit: un pendu. C’est un joggeur qui l’a découvert dans la forêt par un jour froid et humide de novembre. Armand Gamache a toutefois des doutes. Il lui semble peu probable que l’homme soit monté de lui-même dans l’arbre. Ses mains sont propres. Un meurtre maquillé en suicide? La piste se précise quand on découvre que la victime s’était inscrite à l’Auberge sous le nom de Arthur Ellis, celui du dernier bourreau officiel du Canada. Qui exécutait les condamnés par pendaison. Un élégant imbroglio où, comme souvent chez Louise Penny, l’Histoire s’invite dans l’intrigue.
« Le Pendu ». De Louise Penny. Novella traduite de l’anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Préambule de Marie-Christine Blais. Actes Sud, coll. Actes noirs, 100 p.
Les romans de Louise Penny sont plutôt replets. Ils oscillent en général entre 400 et 500 pages, des pavés donc, mais toujours intelligents, captivants et digestes. Petit cadeau de fin d’année, « Le Pendu », lui, compte moins de cent pages. Il s’agit d’une novella – un texte plus court qu’un roman mais plus long qu’une nouvelle […]
Quand les femmes qui ont du talent s’emparent du roman noir, elles le font avec un art inégalé. Des auteures comme Louise Penny ou Simone Buchholz en témoignent aujourd’hui. Et ce fut autrefois aussi le cas comme le rappelle « A contre-voie » de l’Américaine Gertrude Walker (1910-1994). Paru aux Etats-Unis en 1948, publié deux ans plus tard en français à la Série Noire, ce polar épopée intelligent, mordant, astucieux et souvent drôle se révèle un immense plaisir de lecture! Il vient d’être republié chez Gallimard dans une traduction révisée.
Gertrude Walker fut la première femme à intégrer la Série Noire dix ans après sa création. Un événement, comme le souligne Benoît Tadié dans la préface du livre car « Marcel Duhamel, son fondateur et directeur, aiguillait à l’époque les autrices – et les lectrices – de polars vers la Série Blême, sa petite sœur théoriquement réservée aux « romans à suspense » ou aux « romans angoissants » (…). » Est-ce à dire que Gertrude Walker écrit comme un homme? Pas du tout. Cette auteure, dont on connaît mal la biographie, possède à l’évidence un style, une inventivité, une perception du monde, voire une philosophie bien à elle.
« A contre-voie » est une histoire d’amour fou, ou plutôt de désir. Pour l’incarner, Gertrude Walker choisit de se glisser dans la peau d’un narrateur masculin, Walter Johnson, un dur au cœur généreux. Vagabond désargenté, cet errant magnifique débarque un beau jour d’un train de marchandises à la petite gare de Middletown, dans le Minnesota. Affamé, il cherche désespérément de quoi manger quand une femme, superbe mais à la voix terriblement laide, lui fait signe d’une fenêtre, lui demandant d’effectuer pour elle quelques achats. Le piège a tôt fait de se refermer. A peine entré dans l’appartement, notre héros tombe sur un cadavre. Elizabeth – ainsi se prénomme la dame – vient d’assassiner son conjoint et tente de le faire accuser à sa place.
Trois ans en compagnie du mal
Pour échapper à la police, Walter s’enfuit emmenant « en otage » avec lui cette femme aussi belle que monstrueuse et cruelle. Après trois ans de vie commune jalonnée de disputes, Elizabeth disparaît, laissant habilement derrière elle des traces suggérant qu’on l’a assassinée. Pas grand-chose en fait, mais suffisamment pour que Walter Johnson soit reconnu coupable et condamné à vingt ans de prison. Il en fera dix avant d’être libéré. Et de se lancer par vengeance – du moins se le répète-t-il – à la poursuite de cette femme insaisissable au sujet de laquelle il a bien dû admettre que « Dieu revêt parfois le diable d’un manteau de velours ».
Une grande partie du roman consiste donc en déplacements successifs. Balayant avec superbe les images attendues et les clichés, l’auteure en profite pour nous offrir de surprenantes et superbes descriptions de villes – notamment de New York – et de gens. Peu à peu, le lecteur découvre aussi la complexité de cet homme qui a perdu sa mère tout gosse et constate: « Il semble que les mecs dans mon genre perdent toujours leurs mères jeunes. C’est peut-être pour cela qu’ils deviennent des mecs dans mon genre. » Ce destin tragique ne l’empêche pas de se rêver peignant « l’âme des choses » et de se réinventer en « jardinier formidable » faisant pousser des plantes… en plein désert.
« A contre-voie ». De Gertrude Walker. Traduction de Jacques Papy, révisée par Providence Garçon-Nsimire. Préface inédite de Benoît Tadié. Gallimard, Série Noire, 286 p.
Quand les femmes qui ont du talent s’emparent du roman noir, elles le font avec un art inégalé. Des auteures comme Louise Penny ou Simone Buchholz en témoignent aujourd’hui. Et ce fut autrefois aussi le cas comme le rappelle « A contre-voie » de l’Américaine Gertrude Walker (1910-1994). Paru aux Etats-Unis en 1948, publié deux ans plus […]
Les femmes tiennent rarement les premiers rôles dans les romans d’espionnage. Fan de ce genre éminemment masculin, l’Américaine Anna Pitoniak – alors éditrice chez Random House – s’en désolait. Elle a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et d’écrire elle-même le livre dont elle rêvait. « L’incident d’Helsinki » est son quatrième roman, mais le premier qui s’aventure véritablement dans l’univers des identités troubles et des trahisons institutionnalisées. Il s’articule autour du personnage riche et parfois douloureux d’Amanda Cole, une jeune et brillante espionne, elle-même fille d’espion. L’auteure en profite pour nous rappeler que, dans ce monde très particulier, la guerre froide n’a, de fait, jamais pris fin.
Dans la vie d’un agent secret, il existe des situations particulièrement stressantes. Par exemple d’apprendre, par le biais d’un transfuge, l’assassinat imminent d’un homme politique représentant son pays sans rien pouvoir faire pour l’empêcher. Travaillant à Rome comme adjointe du chef de poste de la CIA, Amanda Cole, 40 ans, se serait bien passé d’une telle expérience qui, outre son professionnalisme, va mettre à l’épreuve ses certitudes et ébranler les fondements même de son existence.
Un mystérieux visiteur
Bref! Voici ce qui s’est passé. Par une chaude et paisible journée de juillet, un homme bouleversé se présente à la porte de l’ambassade des Etats-Unis. Il est Russe. Il s’appelle Konstantin Semonov et – on l’apprend très vite – il travaille pour le GRU, la Direction générale du renseignement. Il annonce à Amanda – alors seule au bureau – que le sénateur américain Robert Vogel, en visite officielle au Caire, va être victime d’un AVC mortel le lendemain, en assistant à une parade militaire.
Semonov n’a bien sûr rien d’un devin. Sans révéler ses sources, il ajoute, espérant ainsi convaincre son interlocutrice: « Il existe des substances chimiques qui déclenchent dans le corps humain des symptômes très semblables à ceux d’un AVC. Si semblables qu’il n’y a aucune raison de mettre en doute la conclusion du médecin. Surtout quand la personne décédée a quatre-vingts ans et une santé fragile. »
Info ou intox? Amanda balance. Elle en réfère aussitôt à son supérieur, qui la prend pour une folle et lui intime de ne pas réagir. Et le lendemain, Vogel meurt, comme annoncé. Taraudée par le remord, Amanda retrouve Semonov encore à Rome et commence à enquêter. Grâce à des papiers retrouvés chez le sénateur Vogel, elle apprend qu’il avait été informé par un riche oligarque de certaines manipulations financières permettant à la Russie de prendre le contrôle de puissantes entreprises étrangères. Dans la foulée, elle découvre dans ces notes lapidaires le nom de Charlie Cole, son propre père, un espion chevronné désormais retraité.
Sidération! Panique! Amanda va-t-elle flancher devant la vérité qu’elle pressent ou poursuivre son enquête jusqu’au bout de l’effroi? Mixant habilement les points de vue grâce à ses différents personnages, émaillant son récit de multiples flash-back, l’écrivaine Anna Pitoniak dénoue fil après fil le nœud d’une trahison qui eut pour cadre l’île de Särkkä, près d’Helsinki. Et pour contexte la fin des années 1980 dans une Finlande toujours sous l’emprise de son puissant voisin russe.
« L’incident d’Helsinki ». D’Anna Pitoniak. Traduit de l’anglais par Jean Esch. Gallimard, Série noire, 424 p.
Les femmes tiennent rarement les premiers rôles dans les romans d’espionnage. Fan de ce genre éminemment masculin, l’Américaine Anna Pitoniak – alors éditrice chez Random House – s’en désolait. Elle a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et d’écrire elle-même le livre dont elle rêvait. « L’incident d’Helsinki » est son quatrième roman, mais […]
Voilà un polar magnifiquement minimaliste. Et d’une diabolique habileté. Republié dans la sélection Classique de la Série Noire plus de soixante-cinq ans après sa première parution en français, « Et pourtant, elle tourne! » de l’Américaine Craig Rice (1908-1957) a pour principal décor une fête foraine située sur une jetée en bord de mer. Au menu, musiques tonitruantes, odeurs de friture, baraques abracadabrantes, amitiés fortes et complicités secrètes. Le fil conducteur du roman, au premier abord, semble lui aussi fort simple: une traque. La traque d’un assassin dont on connaît – ou croit connaître – d’emblée l’identité. Peu de suspense apparemment, mais ne vous y fiez pas trop!
Le meurtre s’est déroulé le temps d’une révolution de la grande roue, en pleine kermesse. La victime, poignardée dans le dos à l’aide d’un couteau de cuisine ordinaire, s’appelait Mac Gurn. Il était le boss des jeux clandestins. Pour les policiers – et pour le lecteur habilement piégé par l’auteure – le rusé Tony Webb s’impose comme le coupable idéal. Non seulement il vient de sortir de prison et se trouvait à la fête foraine au moment du crime, mais il avait un sérieux contentieux avec la victime. Reste à prouver sa culpabilité, et c’est là que tout se complique car Tony s’est fabriqué un solide alibi.
Il existe cependant une faille dans cette machinerie bien huilée. Un témoin potentiel. Au moment du crime, perchée sur un tabouret, Ellen posait pour Amby, le portraitiste de rue sourd-muet installé juste en face de la grande roue. Qu’a-t-elle vu? Art Smith, le chef de la Criminelle voudrait bien le savoir. Tony Webb également. Tous deux vont se mettre à la recherche de la jeune femme et s’éprendre follement de son mystère et de sa beauté. Le policier, qui n’a d’ordinaire pour religion que le règlement et pour bible le « Manuel des procédures policières », ira même jusqu’à évoquer dans son rapport sa « bouche semblable à une rose meurtrie ». On imagine la tête de son supérieur! La métaphore s’avérera tristement prémonitoire.
« Et pourtant elle tourne! » reste un roman atypique dans la production de Craig Rice plutôt tournée vers la comédie policière et le polar loufoque. De son vrai nom Georgiana Ann Randolph Walker Craig, cette autrice à succès fut, en 1946, la première femme auteure de romans noirs à faire la Une du Time Magazine. Ses livres figuraient alors parmi les plus grosses ventes, aux côtés de ceux de Raymond Chandler ou de Rex Stout. Paru en 1949, « Et pourtant elle tourne! » s’inscrit donc dans une autre veine, plus réaliste et noire. On y retrouve toutefois un des thèmes récurrents de son œuvre, nourri par sa propre biographie, celui de l’abandon. Dans ce magnifique roman, en effet, Ellen, qui aime tant les parcs d’attractions, et le triste policier Art Smith ont tous deux grandi en orphelinat.
« Et pourtant, elle tourne! ». De Craig Rice. Traduction de l’anglais de Jacques Papy, révisée par Cécile Hermellin. Préface inédite de Natacha Levet. Gallimard, Collection Série Noire, Série Classique, 254 p.
Voilà un polar magnifiquement minimaliste. Et d’une diabolique habileté. Republié dans la sélection Classique de la Série Noire plus de soixante-cinq ans après sa première parution en français, « Et pourtant, elle tourne! » de l’Américaine Craig Rice (1908-1957) a pour principal décor une fête foraine située sur une jetée en bord de mer. Au menu, musiques […]
Une grosse surprise, teintée d’un brin de déception, mais vite oubliée. Après cinq enquêtes menées tambour battant par son efficace duo Wyndham-Banerjee, l’Anglais Abir Mukherjee quitte l’Inde – le pays de sa famille – et les années 1920 pour s’installer dans l’Amérique contemporaine. Un désir de changement bien compréhensible. Et qui lui réussit parfaitement. « Les Fugitifs » est un polar palpitant, complexe et superbement construit. Un polar sous tension, né de la colère de l’auteur contre ce qu’il advient du monde.
Le roman se situe à la toute fin d’une élection présidentielle très disputée et dont l’issue s’avère plus qu’incertaine. Face à Greenwood, la vice-présidente démocrate, se dresse avec toute sa morgue et son arrogance un républicain nommé Costa « que la moitié de la population américaine considère comme un cinglé narcissique qui tuerait sa propre mère pour entrer à la Maison Blanche ». Toute ressemblance avec des personnes existantes n’est bien sûr pas fortuite. Mukherjee précise par ailleurs avoir commencé son roman avant l’attaque du Capitole par les partisans de Trump.
Une fois le contexte posé, l’auteur construit librement une intrigue qui fait la part belle à la corruption, au complot et qui se situe d’emblée dans la veine du thriller. Ecrit à la troisième personne et porté par différents narrateurs, le récit commence avec un attentat dans un centre commercial de Los Angeles. Un acte barbare que l’on « vit » aux côtés de la poseuse de bombe, une jeune fille volontairement sacrifiée des commanditaires qui se font appeler « Les Fils du califat ». Un nom parfaitement inconnu des spécialistes du terrorisme!
Aussitôt après l’explosion, prenant des risques considérables, Shreya Mistry, agente spéciale du FBI, se précipite à l’intérieur du bâtiment qui menace de s’effondrer. Impétueuse et indocile, cette jeune femme d’origine indienne retrouve ainsi, par miracle, les vidéos de surveillance où l’on voit la kamikaze courir, sortir son téléphone… et mourir. Pourquoi courait-elle? Avait-elle été piégée? Cet attentat meurtrier n’était-il que le premier d’une série machiavéliquement planifiée avant les élections pour déstabiliser l’Amérique? Hantée par ces questions, ignorant les sanctions et les brimades de sa hiérarchie, Shreya va alors tout mettre en œuvre pour retrouver une jeune femme, Aliyah qui, venue de Londres, était entrée sur le territoire américain en même temps que la poseuse de bombe.
A l’enquête « officielle » se superpose alors une deuxième traque plus discrète. Prévenu que sa fille est en danger, le père d’Aliyah tente de la retrouver avec l’aide d’une Américaine dont le fils, lui aussi disparu, semble pris dans le même engrenage. Et l’auteur profite de cette double course – poursuite pour nous faire traverser les Etats-Unis de part en part. Le chemin des parents éplorés finit par croiser la route de l’agente du FBI. Et le tout se termine dans une monstre bastringue électorale avec mouvements de foule et ambiance survoltée, une apothéose tragique et très cinématographique dont l’auteur a le secret. Glissant de découverte en révélation, ce dernier parvient en outre à nous tenir en haleine jusqu’au bout. Dans « Les Fugitifs », l’identité des traitres et leurs motivations sont en effet susceptibles de changer jusqu’au dernier moment.
« Les Fugitifs ». D’Abir Mukherjee. Traduit de l’anglais par Pierre Reignier. Editions Liana Levi, 408 p.
Sur d’autres livres d’Abir Mukherjee:
https://polarspolisetcie.com/le-mystere-indien-de-la-chambre-close/
https://polarspolisetcie.com/traque-sans-merci-au-coeur-de-la-poudriere-indienne/
Une grosse surprise, teintée d’un brin de déception, mais vite oubliée. Après cinq enquêtes menées tambour battant par son efficace duo Wyndham-Banerjee, l’Anglais Abir Mukherjee quitte l’Inde – le pays de sa famille – et les années 1920 pour s’installer dans l’Amérique contemporaine. Un désir de changement bien compréhensible. Et qui lui réussit parfaitement. « Les […]
Se lancer dans une nouvelle aventure littéraire à 68 ans, voilà qui est plutôt rare et courageux. Après une cinquantaine de polars à succès mettant en scène ses personnages fétiches – le flic Harry Bosch, l’avocat Mickey Haller, l’inspectrice Renée Ballard et le journaliste Jack McEvoy – Michael Connelly change de décor et de héros. Dans « Sous les eaux d’Avalon », son dernier polar, l’écrivain américain quitte la vie trépidante de Los Angeles pour le cadre idyllique de Santa Catalina, une île rocheuse de 194 km2 située à 35 kilomètres du continent. Et pour nous la faire découvrir, il crée de toutes pièces un nouvel enquêteur, un homme têtu, intègre et courageux, l’inspecteur Stilwell.
Ce parti pris nous permet d’assister en direct à la naissance d’un personnage, à la manière dont ce dernier peu à peu s’ancre dans la fiction. Au départ, on ne sait rien de lui. Ensuite progressivement, comme dans un film, les choses s’éclairent, prennent forme et des repères se mettent en place. La figure de Stilwell se dessine, avec un passé, des sentiments. On découvre notamment qu’il entretient une relation amoureuse stable avec Tash – une nouveauté dans l’univers romanesque de Michael Connelly.
Un cadavre bien gênant découvert sous un bateau
Débarqué de l’unité des Homicides du LAPD (Los Angeles Police Department), Stilwell a atterri à Santa Catalina après une embrouille avec un collègue peu scrupuleux. Il s’agit donc d’un placard, même pas doré, d’une manière de le punir en lui coupant les ailes. « En sa qualité d’inspecteur assigné à Avalon (la ville principale de Santa Catalina, réd.), c’était lui qui commandait les forces de l’île. Cet honneur lui valait tout un tas de tâches de gestion et d’administration qu’il n’acceptait qu’à regret », précise l’auteur.
En temps normal, à part quelques délits mineurs, il ne se passe par grand-chose dans ce paradis protégé pour touriste fortunés. Peu après l’arrivée de Stilwell, toutefois, la situation se dégrade. Outre une histoire de bison mutilé, et en plus de l’agression d’un officier de police dans un bar, notre inspecteur se retrouve avec un cadavre sur les bras. Il s’agit d’une jeune femme à la réputation un brin sulfureuse qui travaillait dans un club privé très sélect. Son corps, enveloppé dans une bâche et lesté, a été retrouvé sous un bateau du port.
En pleine saison touristique, le maire tente d’étouffer l’affaire. Il est aidé par des policiers qui, envoyés du continent, se contentent d’enquêter mollement. Bien qu’officiellement tenu à l’écart, Stilwell ne peut rester inactif. Il part sur les traces du tueur et dénonce les conclusions hâtives de ses collègues, s’attirant les remontrances et les menaces de son supérieur. Rien n’y fait. Tenace et têtu, notre inspecteur s’accroche, entraînant le lecteur dans une traque haletante relatée avec brio dans un style quasi cinématographique.
Après ce premier galop d’essai, le personnage de Sitwell semble promis à un bel avenir. Gageons aussi que, comme à son habitude, Michael Connelly lui fera rencontrer par la suite ses autres personnages. « Il reviendra certainement, confirme l’auteur dans une interview, et je suis à un stade où je réfléchis à qui je vais le présenter en premier. Haller? Ballard? Bosch? Peut-être McEvoy? Je n’ai pas encore décidé, mais je m’amuse à imaginer toutes les possibilités. »
« Sous les eaux d’Avalon ». De Michael Connelly. Traduit de l’anglais par Robert Pépin. Calmann-Lévy Noir, 386 p. En librairie le 11 juin 2025.
Sur un autre livre de Michael Connelly:
https://polarspolisetcie.com/proces-a-haut-risque-pour-michael-connelly/
Se lancer dans une nouvelle aventure littéraire à 68 ans, voilà qui est plutôt rare et courageux. Après une cinquantaine de polars à succès mettant en scène ses personnages fétiches – le flic Harry Bosch, l’avocat Mickey Haller, l’inspectrice Renée Ballard et le journaliste Jack McEvoy – Michael Connelly change de décor et de héros. […]
A propos de ce blog
Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz