Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Amateurs de frissons glacés, de cadavres profanés et de perversité gratuite, passez votre chemin! Ce n’est pas le genre de la maison. Né en 1956 au Chili – et donc arrivé à l’âge adulte sous Pinochet – Ramón Díaz-Eterovic a suffisamment connu la barbarie pour ne pas en rajouter. Le portrait qu’il nous offre de la société chilienne, de ses parts d’ombre et de ses dérives louches emprunte donc d’autres chemins, moins attendus. Amoureux fou, et parfois déçu, de la ville de Santiago qui devient un personnage à part entière, ce petit-fils d’émigrés croates est en outre un humaniste qui a le goût des clins d’oeil. Non seulement son détective privé, Heredia, confie ses aventures à un mystérieux écrivain surnommé le Scribouillard mais il possède lui-même un chat fort bavard baptisé Simenon.

Pollueurs criminels

Quand commence « Negra Soledad », le nouveau et septième polar de Ramón Díaz-Eterovic traduit en français, Heredia, comme souvent, n’est pas très en forme. Outre ses éternels problèmes d’argent, il est confronté à un sérieux dilemme: va-t-il ou non accepter de vivre avec la jeune et belle commissaire Doris Fabra qui l’a placé devant un ultimatum? Très vite, toutefois, cette angoisse – car c’est bien de cela qu’il s’agit– est reléguée au second plan par une triste nouvelle. L’avocat Alfredo Razzetti, l’un de ses amis, est retrouvé mort, assassiné dans son bureau.

Razzetti semblait un homme pourtant plutôt rangé. Heredia promet à sa veuve Raquel d’éclaircir le mystère. Fouillant dans les affaires de l’avocat et grâce à quelques coups de main – Heredia est un manche en informatique et ne possède même pas de téléphone portable – il découvre que son ami s’était engagé dans la défense des habitants de Cuenca menacés par une entreprise minière des plus polluantes. Et bien résolue à se débarrasser des gêneurs. Heredia décide alors de se rendre sur place et s’installe pour quelques jours dans ce petit village du nord du Chili. Rassurez-vous, toutefois. Simenon n’est pas abandonné sans subsistance. De toute manière, Heredia ne reste pas absent très longtemps. Il va bien vite retourner à Santiago pour poursuivre l’enquête qui désespérément piétine, reprendre sa tournée des bistrots et ses errances urbaines qui nous donnent l’impression de connaître un peu Santiago sans même jamais y avoir été.

 

« Negra Soledad ». De Ramón Díaz-Eterovic. Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg. Métailié, 346 p.

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Encore un enlèvement d’enfant! Avec tout ce que le thème implique de sévices, d’horreur et de cruauté perverse, grande est la tentation de faire passer par pertes et profits ce gros polar pesant plus de 500 pages. Quelques lignes, toutefois, suffisent à nous convaincre du contraire. Et nous voilà littéralement pris au piège de cet intrigant récit où le thème de l’araignée et de sa toile fait figure de fil conducteur. Complexe, bien écrit, contournant habilement les écueils du trop attendu, Le jardin de bronze de l’Argentin Gustavo Malajovich dissimule dans son labyrinthe bien taillé une intrigue machiavélique et des atmosphères savamment ciselées. A rendre accros les plus sceptiques.

Avant d’opter pour l’écriture et de signer des scénarios pour le cinéma et la télévision, Gustavo Malajovich fut architecte. Il en garde un regard particulier sur les paysages et l’environnement dont il fait profiter son personnage principal Fabián Danubio.  Architecte lui aussi, l’homme mène à Buenos Aires une vie apparemment paisible quand Moira, sa fille de quatre ans, disparaît en compagnie de sa baby-sitter. Cette dernière sera retrouvée morte, assassinée. L’enfant reste introuvable. La police baisse les bras.

Après le suicide de sa femme et le meurtre de César Doberti, un privé pittoresque devenu presque un ami, Fabián Danubio se transforme lui-même en enquêteur. Il nous emmène avec lui dans son errance à travers Buenos Aires, ses rues, ses atmosphères, ses métros. Neuf ans toutefois vont passer avant qu’il ne découvre la trace de sa fille. Morte ou vivante? On ne vous le dira pas, bien sûr. Mais, pour vous faire patienter, voici le paysage qu’il découvre alors qu’il approche du but: « Le fleuve pénétrait dans les terres sur environ trois cents mètres. Tout au long de ce bras d’eau, comme un morceau de Venise sylvestre, s’élevaient les maisons de Pórtico. L’unique rue de Pórtico était recouverte d’eau. »

« Le jardin de bronze ». De Gustavo Malajovich. Traduit de l’espagnol par Claude Fell. Actes Sud, 526 p. 

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S’il est un roman qui correspond bien autre titre de ce blog, c’est celui-là. Pas de doute, en effet. La principale héroïne de Mourir, la belle affaire, n’est autre que Quito, capitale de l’Equateur, 2850 mètres d’altitude, une géographie et une architecture à nulle autre pareilles « sur fond de volcans nuageux ». L’auteur, Alfredo Noriega, qui vit à Paris depuis de nombreuses années, ne se lasse pas d’en évoquer les couleurs et les humeurs, les levers de soleil si singuliers, les pluies soudaines et ce sentiment que la ville, par endroits, est « suspendue, comme abandonnée dans le cosmos, rejetée en dehors du mouvement perpétuel de l’univers, sans prise possible ».

Quito se caractérise aussi par son aptitude à vivre avec la violence, à cohabiter avec la mort. Le narrateur – enquêteur de ce polar en sait quelque chose. Médecin légiste passablement désabusé, cet homme tranquille se voit soudain malgré lui mêlé à une histoire d’accident de circulation louche, d’architecte blanchisseur d’argent sale, de policier justicier et assassin. Il fait ce qu’il peut pour tenter d’enrayer la marche du destin, et sauver ainsi quelques vies. Mais sans illusions. Normal, quand on se retrouve chaque matin avec son lot de cadavres à autopsier et que l’on vit dans un monde où semble n’exister d’autre châtiment que la mort.

 

 « Mourir, la belle affaire ». D’Alfredo Noriega. Ombres noires, 244 p.

S’il est un roman qui correspond bien autre titre de ce blog, c’est celui-là. Pas de doute, en effet. La principale héroïne de Mourir, la belle affaire, n’est autre que Quito, capitale de l’Equateur, 2850 mètres d’altitude, une géographie et une architecture à nulle autre pareilles « sur fond de volcans nuageux ». L’auteur, Alfredo Noriega, qui […]

Ramón Díaz-Eterovic n’a pas son pareil pour évoquer la réalité chilienne, les scories nauséabondes de son histoire récente et la misère flamboyante de sa capitale Santiago. Au fil de ses livres, cet auteur a su faire exister avec originalité et talent le personnage généreux et ambigu de Heredia, le privé toujours désargenté partageant son logis, et parfois son repas, avec son chat Simenon, complice malicieux aussi loquace que raisonneur n’hésitant pas à citer les poètes.

Heredia et Simenon se retrouvent, quelque peu vieillissants, dans Le deuxième vœu, le nouveau polar de Ramón Díaz-Eterovic. Un roman qui, à vrai dire commence assez mal pour notre détective. Englué dans un terrible cauchemar, il se voit en train de mourir, « seul, définitivement vieux, tout au bout du rouleau ».  Rêve prémonitoire? Après avoir toute sa vie cherché à résoudre les énigmes des autres, Heredia se retrouve soudain confronté au mystère de ses propres origines, lui qui a perdu sa mère tout jeune et qui n’a jamais connu son père. Ce dernier est-il toujours vivant, quel est son nom,  pourquoi a-t-il abandonné la femme qu’apparemment il aimait avant la naissance de l’enfant? Telles sont les questions auxquelles Heredia se sent désormais obligé de répondre après avoir reçu, de la part d’une amie de sa mère, deux mouchoirs brodés, une petite lettre et trois photographies. Parallèlement, à titre professionnel cette fois-ci, il part sur les traces du père d’un client, lui aussi très âgé et qui semble s’être littéralement volatisé. Une mission difficile qui, de maisons de retraite en cimetière, va l’amener à découvrir un sordide business. Mais que ses fans se rassurent, Heredia s’en sortira et, surprise, il va renouer avec Griseta, le grand amour de sa vie.

 

         

  « Le deuxième vœu ». De Ramón Díaz-Eterovic. Traduit de l’espagnol par Bernardo Toro. Editions Métailié, 251 p.

       

Ramón Díaz-Eterovic n’a pas son pareil pour évoquer la réalité chilienne, les scories nauséabondes de son histoire récente et la misère flamboyante de sa capitale Santiago. Au fil de ses livres, cet auteur a su faire exister avec originalité et talent le personnage généreux et ambigu de Heredia, le privé toujours désargenté partageant son logis, […]

A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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