- août 17, 2024
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- Asie, Europe, Polars
Transformer l’Histoire en fiction n’est pas donné à tout le monde. Beaucoup s’y perdent, se contentant de s’approprier grossièrement les faits pour servir de contexte, voire de prétexte, à des personnages et un récit. L’écrivain Frédéric Paulin se situe aux antipodes de cette dérive. Il trouve dans le roman, et dans le roman noir en particulier, un fabuleux outil pour rendre intelligibles des événements ou des crises qui, dans leur contemporanéité, sont restés nébuleux ou confus pour beaucoup d’entre nous. Des tragédies qui, même aujourd’hui, demeurent partiellement obscures, notamment pour ceux qui en subissent toujours les conséquences.
Après avoir décortiqué la montée du terrorisme et du djihadisme dans une magnifique trilogie plusieurs fois primée, Frédéric Paulin, 52 ans, s’immerge dans une autre nébuleuse : la guerre du Liban. Une guerre civile marquée par plusieurs interventions étrangères, dont celle de la Syrie et d’Israël, un imbroglio multiconfessionnel infiniment complexe, qui fera des centaines de milliers de morts, de nombreux disparus et durera plus de 15 ans (1975-1990).
« Nul ennemi comme un frère » ne prétend pas en faire le tour. Il se présente d’ailleurs comme la première partie d’un ambitieux projet romanesque soigneusement documenté. Le livre commence, le 13 avril 1975, avec l’attaque par les phalanges chrétiennes d’un bus de militants palestiniens – en représailles à des tirs meurtriers perpétrés lors de l’inauguration d’une église. Il se termine avec un double attentat suicide contre le QG américain de l’aéroport de Beyrouth et un poste français baptisé Dakkar. Entre les deux événements, le lecteur assiste, incrédule, à la multiplication des affrontements entre les communautés chrétienne, druze, chiite et sunnite du Liban, mais également à des déchirements et des conflits au sein de ces mêmes communautés. Il comprend mieux comment et pourquoi les alliances se font et se défont au gré des opportunités. Il assiste, impuissant et révolté, aux terrifiants massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila.
Des personnages complexes et attachants
Frédéric Paulin, bien évidemment, reste à l’écart de tout parti pris. Il relate et analyse les faits en se glissant tantôt dans la peau du chiite Abdul Rasool al-Amine, tantôt dans celle des jeunes chrétiens libanais. Les étrangers ont aussi leurs héros avec, entre autres, un personnage pivot, le capitaine Christian Dixneuf, un agent de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), soit les services secrets français. Ce choix bien sûr n’est pas anodin. Il permet à l’auteur d’offrir au lecteur, de façon naturelle et logique, une vision large et nuancée de la situation tout en bénéficiant d’informations qu’à l’époque personne d’autre ne pouvait posséder.
On l’avait déjà constaté dans sa trilogie et ce nouveau roman le confirme. Frédéric Paulin éprouve une certaine prédilection pour les baroudeurs et les hommes blessés endurcis par la vie. Dans « Nul ennemi comme un frère », il contrebalance toutefois cette rudesse avec le personnage désespéré et un peu flou de Philippe Kellermann. En dépit des menaces, et notamment par attachement au Liban, ce diplomate français va choisir de rester à Beyrouth et prendre tous les risques pour retrouver la belle Zia al-Faqîh qu’il a rencontrée alors qu’elle travaillait comme interprète à l’ambassade de France et dont il est tombé éperdument amoureux. Mais l’amour, en temps de guerre, a bien peu de poids face à la violence et à la folie des hommes. D’autres, comme lui, auront à le déplorer.
« Nul ennemi comme un frère ». De Frédéric Paulin. Editions Agullo Noir, 458 p. En librairie le 22 août 2024.
Transformer l’Histoire en fiction n’est pas donné à tout le monde. Beaucoup s’y perdent, se contentant de s’approprier grossièrement les faits pour servir de contexte, voire de prétexte, à des personnages et un récit. L’écrivain Frédéric Paulin se situe aux antipodes de cette dérive. Il trouve dans le roman, et dans le roman noir en […]
- juillet 18, 2024
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- Amérique du Nord, Polars
Méfiez-vous des couples trop parfaits, surtout s’ils sortent de l’imagination d’une femme ! L’Américaine Leslie Wolfe nous le rappelle avec malice dans «A cœurs ouverts », son premier roman traduit en français. Tandis qu’Anne Wiley, une brillante chirurgienne cardiaque, opère des patients en détresse, son époux Derreck, le futur maire de Chicago, prend du bon temps dans les hôtels les plus chics avec sa maîtresse, Paula Fuselier, surnommée la Vipère, une ambitieuse avocate au bureau du procureur d’Etat. Une banale tromperie ? Les choses auraient pu effectivement en rester là si un grain de sable n’était venu griffer le glaçage parfait des apparences.
Ce grain de sable, c’est une opération qui tourne mal et à laquelle le lecteur assiste « en direct », l’auteur s’étant minutieusement renseignée auprès d’une spécialiste. Alors que tout semble normal, le cœur d’un patient – arrêté le temps de l’intervention – refuse de repartir. Anne Wiley entame la réanimation puis, après une vingtaine de minutes, éprouve soudain le besoin de passer de l’autre côté du champ opératoire pour voir le visage du malade. Un choc ! Elle connaît cet homme qui, lors des consultations, se dissimulait derrière une barbe épaisse et une casquette. Ses traits, et notamment sa tache de naissance sur le front, lui rappellent les pires souvenirs. Elle abandonne la réanimation et notifie le décès. Le premier de toute sa carrière. Une épreuve difficile à surmonter.
Les nuages noirs dès lors s’amoncellent dans le ciel bleu de sa vie. Aux affreux événements liés à cet homme s’ajoutent l’animosité d’un collègue machiste et odieux qu’elle soupçonne du pire, et surtout l’arrivée impromptue, dans son bureau, de Paula Fuselier – la maîtresse de son mari – bien résolue à profiter de sa « faiblesse » pour détruire sa rivale. Le lecteur commence toutefois à se douter que la jalousie amoureuse n’est pas seule à motiver cette haine dévorante. De son côté, notre vaillante chirurgienne continue à chercher pourquoi le cœur de son patient n’est pas reparti. Et ce qu’elle va découvrir, on le devine, ne va pas lui plaire.
« A cœurs ouverts ». De Leslie Wolfe. Traduit de l’anglais par Manon Malais. Gallimard, Collection Série noire, 296 p.
Méfiez-vous des couples trop parfaits, surtout s’ils sortent de l’imagination d’une femme ! L’Américaine Leslie Wolfe nous le rappelle avec malice dans «A cœurs ouverts », son premier roman traduit en français. Tandis qu’Anne Wiley, une brillante chirurgienne cardiaque, opère des patients en détresse, son époux Derreck, le futur maire de Chicago, prend du bon temps dans […]
- avril 3, 2024
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- Amérique du Nord, Polars
Les bisons sont un sujet délicat dans le Montana. Un peu comme les loups dans nos contrées. On les aime bien, on les respecte, on les admire, mais à condition qu’ils restent discrets. S’ils deviennent trop nombreux ou dangereux pour les troupeaux – ils peuvent apparemment transmettre la brucellose au bétail – ils sont abattus sans état d’âme par le gouvernement. Au grand dam de leurs défenseurs. Pour évoquer ce thème éminemment complexe, l’Américain Keith McCafferty a imaginé un polar lui aussi complexe. On y retrouve toute la fine équipe des romans précédents : la shérif Martha Ettinger, son adjoint indien Harold Little Feather et Sean Stranahan, peintre, pêcheur à la mouche, enquêteur occasionnel et ancien amoureux de Martha.
L’histoire démarre au lendemain de la fête du 4 juillet, dans la vallée de la rivière Madison, à deux pas des Palisades Cliffs. Un troupeau de bisons vient d’y trouver la mort : il semble s’être littéralement suicidé en se jetant dans le vide. A-t-il été effrayé par les feux d’artifice ? Des chasseurs les auraient-ils piégés et contraints à sauter ? Les rumeurs courent, les hypothèses fusent. On parle de buffalo jump (« précipice à bisons »), ou de pishkun, une ancienne pratique de chasse autochtone. Intrigués et perplexes, la shérif Martha et son adjoint se rendent sur place. Horrifiés, ils y découvrent le cadavre d’un jeune indien affreusement mutilé. Ce dernier avait été vu peu avant en compagnie de Blancs, des jumeaux poursuivis par une réputation douteuse. Bref, ça sent le roussi !
Mais comment y voir clair dans cet imbroglio ? Pour découvrir la pièce manquante du puzzle, les deux policiers vont avoir besoin de Sean Stranahan. Et ça tombe bien ! L’ancien privé vient de tomber sous le charme d’une sirène, une jeune femme qui nage dans l’aquarium géant du Trout Tails Bar et qui vient de l’engager pour retrouver un homme qu’elle a aimé. Or il s’avère que cet Indien a lui aussi participé au pishkun.
Après quelques leçons de pêche à la mouche, et un magnifique voyage au cœur de la nature sauvage, la vérité s’impose enfin. Tandis que l’amour, tel le phénix, semble toujours prêt à renaître de ses cendres. Parce que, comme l’énonce doctement Sean Stranaham, « le vrai amour ne recherche ni la logique ni la luxure, mais la synchronisation des battements des cœurs ».
« Buffalo Blues ». De Keith MacCafferty. Traduit de l’américain par Marc Boulet. Gallmeister, 486 p.
Les bisons sont un sujet délicat dans le Montana. Un peu comme les loups dans nos contrées. On les aime bien, on les respecte, on les admire, mais à condition qu’ils restent discrets. S’ils deviennent trop nombreux ou dangereux pour les troupeaux – ils peuvent apparemment transmettre la brucellose au bétail – ils sont abattus […]
- mars 22, 2024
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Des tensions interreligieuses en Inde ? Des affrontements sanglants entre communautés indoues et musulmanes ? Voilà qui semble parfaitement d’actualité. « Les ombres de Bombay », cinquième polar de l’excellent Abir Mukherjee, s’ancre pourtant dans un passé déjà lointain. Son intrigue nous transporte au début des années 1920, dans une époque où l’Inde vivait encore sous domination britannique. Une période pleine d’effervescence et grosse de bouleversements à venir qu’il a choisie pour servir de cadre inspirant à une série de polars passionnants, pleins d’humour, d’ironie, et parfaitement documentés. Quand Abir Mukherjee décrit l’effervescence d’une gare surpeuplée, le parfum et la couleur d’une rue ou la colère dévastatrice des Bengalis lorsqu’ils perdent leur sang-froid, on peut lui faire confiance. Il parle, ou plutôt il écrit, en connaissance de cause.
Abir Mukherjee est né en 1974 à Londres dans une famille d’origine indienne. Il a grandi dans l’Ouest de l’Ecosse, étudié l’économie puis travaillé dans la finance avant de se lancer dans l’écriture. Son premier roman, « L’Attaque du Calcutta-Darjeeling » a reçu le Prix Le Point du polar européen 2020. On y faisait la connaissance d’un tandem d’enquêteurs de haut vol, relié par une grande estime réciproque et soudé par une amitié indéfectible : le capitaine Sam Wyndham, un Ecossais bon teint, ancien inspecteur de Scotland Yard, et le sergent indien Satyendra Banerjee, issu d’une bonne famille indienne de Calcutta.
De Calcutta à Bombay par la terre, l’eau et les airs
« Les ombres de Bombay » s’ouvre sur une catastrophe annoncée : l’assassinat, dans un quartier musulman de Calcutta, d’un célèbre homme de lettre hindou. Nous sommes en 1923, Gandhi est en prison, les tensions entre communautés religieuses sont à leur comble. Pour éviter que cet acte ne mette le feu aux poudres, Satyendra Barnejee essaie d’étouffer l’affaire et, ironie du sort, se voit lui-même accusé du meurtre. Risquant la peine de mort, il s’enfuit et tente de découvrir, seul, le véritable assassin. Informé entre temps de la catastrophe, Sam Wyndham va tout faire pour l’aider, mais il doit d’abord le retrouver.
Pour mieux traduire la tension extrême qui traverse le livre de part en part, l’auteur donne alternativement la parole à l’un et l’autre policier, jouant ainsi habilement avec la différence des points de vue et la façon de chacun de s’exprimer. Utilisant le train, le bateau, la voiture, puis l’avion, Bernerjee – rejoint par Wyndham – finit par atterrir à Bombay, d’où venait apparemment le commanditaire. Une ville « à bien des égards plus étrange que l’Angleterre » pour un Bengali. Sans argent, sans soutien officiel, la tâche du tandem s’annonce toutefois quasi désespérée. Deux dames de la bonne société, libres, riches et courageuses, vont leur être d’un précieux secours.
Abir Mukerjee fait partie des nombreux et prestigieux invités de la 20e édition du Festival Quais du polar qui se tient à Lyon du 5 au 7 avril 2024. http://www.quaisdupolar.com
« Les ombres de Bombay ». D’Abir Mukherjee. Traduit de l’anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson. Editions Liana Levi, 368p.
Des tensions interreligieuses en Inde ? Des affrontements sanglants entre communautés indoues et musulmanes ? Voilà qui semble parfaitement d’actualité. « Les ombres de Bombay », cinquième polar de l’excellent Abir Mukherjee, s’ancre pourtant dans un passé déjà lointain. Son intrigue nous transporte au début des années 1920, dans une époque où l’Inde vivait encore sous domination britannique. Une […]
- décembre 12, 2023
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- Amérique du Nord, Polars
Neuf Américains, sans aucun lien apparent, reçoivent une liste de noms. Neuf noms où figurent le leur. L’envoi est anonyme, l’enveloppe également. Quelques destinataires pensent à une blague, d’autres à un envoi publicitaire. Ils ne s’en soucient guère jusqu’à ce que l’un d’entre eux ne meure, assassiné. Puis un deuxième, un troisième, et ainsi de suite. Agente du FBI, Jessica Winslow figure elle aussi sur la liste. Elle devine que celle-ci n’est pas arbitraire et partage ses inquiétudes avec un collègue. Mais le tueur est imprévisible et rusé. Les enquêteurs parviendront-ils à enrayer le terrifiant compte à rebours ?
Cette histoire vous fait penser aux « Dix petits nègres » d’Agatha Christie – rebaptisé « Ils étaient dix » dans la version française en 2020 – et vous avez bien raison. « Neuf vies » de l’Américain Peter Swanson, 55 ans, se veut un hommage avoué, et du reste talentueux, à la reine du polar britannique. Au départ, certes, le modèle semble un peu encombrant, voire agaçant, mais on l’oublie vite pour se prendre au jeu d’une énigme qui livre juste ce qu’il faut d’indices afin de maintenir le lecteur en haleine. Econome de mots, sobre mais efficace, Swanson excelle dans l’art du portrait. Certains de ses personnages sont clairement odieux, mais la plupart sont plutôt sympathiques et attachants, au point que l’on se surprend à trembler pour leur vie, en espérant, à tort, que l’auteur va les épargner.
Bref, un polar à dévorer sans se casser la tête, avec un plaisir certain, et quelques bons frissons.
« Neuf vies ». De Peter Swanson. Traduit de l’américain par Christophe Cuq. Gallmeister, 400 p. En librairie le 4 janvier 2024.
Neuf Américains, sans aucun lien apparent, reçoivent une liste de noms. Neuf noms où figurent le leur. L’envoi est anonyme, l’enveloppe également. Quelques destinataires pensent à une blague, d’autres à un envoi publicitaire. Ils ne s’en soucient guère jusqu’à ce que l’un d’entre eux ne meure, assassiné. Puis un deuxième, un troisième, et ainsi de […]
- juin 19, 2023
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- Asie, Polars
Peu de romanciers se sont emparés du Covid. Une relative amnésie qui redouble l’intérêt du dernier polar de Qiu Xiaolong, « Amour, meurtre et pandémie ». Non content de redonner travail et respectabilité à son désormais ex-inspecteur principal Chen Cao, l’écrivain nous plonge dans l’indicible horreur d’une Chine soumise, contre vents et marées, à l’implacable politique du zéro Covid. L’auteur dédie d’ailleurs son livre à tous ceux « qui ont souffert de la pandémie ». En précisant : « La longue liste des victimes inclut mon mentor, le professeur Li Wenjun.»
Un regard percutant sur la Chine
Rappelons que Qiu Xiaolong, qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis et écrit en anglais, est né à Shanghai en 1953. Alors que son père, professeur, était victime des brimades des gardes rouges, il fut lui-même interdit de cours durant la révolution culturelle. Ces obstacles ne l’ont pas empêché d’apprendre l’anglais, et de se passionnner pour le poète T.S. Eliot auquel il a consacré sa thèse. Parti poursuivre ses études aux Etats-Unis en 1988, Qiu Xiaolong choisit d’y rester quand éclatent les événements de Tiananmen. Cette distance géographique et la mise en perspective du polar lui permettent ainsi, depuis plus de vingt ans, de poser un regard indépendant, percutant et lucide sur ce pays cher à son cœur dont il décrit l’évolution et les dérives livre après livre.
Quand démarre « Amour, meurtre et pandémie », le policier poète Chen Cao est « en congé de convalescence ». Sanctionné par ses supérieurs, il a par ailleurs été relégué à un poste purement formel à la tête de la réforme du système judiciaire. Alors que le Covid s’étend de jour en jour, il se promène dans une ville désertée, suivant des yeux l’incessant ballet des ambulances et des voitures en route pour l’hôpital. Il n’en oublie pas pour autant de faire un saut au Pavillon de l’abricotier en fleurs pour acheter « des brioches fourrées au porc grillé et des raviolis aux crevettes et au porc », l’un des mets préférés de sa mère. Fin gourmet il fut, fin gourmet il reste même en temps de crise.
Les trois meurtres de l’hôpital Renji
De retour chez lui, et alors qu’il reçoit la visite de sa jeune, charmante et visiblement très amoureuse assistante Jin, Chen Cao voit débarquer sans prévenir le directeur du personnel de la municipalité de Shanghai, Hou. Cet officiel du Parti, qui se déplace dans une prestigieuse voiture Drapeau rouge, vient requérir son aide dans « une grave affaire de meurtres en série », trois cadavres retrouvés à proximité de l’hôpital Renji. Sa requête s’apparente à un ordre. Chen doit s’y soumettre sans tarder, efficacement secondé par Jin.
Parallèlement à son enquête, notre légendaire inspecteur reçoit par Internet des petits textes d’un ami écrivain de Wuhan. Ces billets glaçants parlent de gens qui meurent emmurés dans leur appartement, de femmes enceintes et d’enfants en bas âge qui décèdent dans l’ambulance ou devant l’hôpital faute de pouvoir produire un test Covid négatif de moins de 24 heures. Ils témoignent aussi de la répression qui frappe sans pitié tous ceux qui se révoltent contre les ordres du Parti.
Ces récits – désignés comme « Le Dossier Wuhan » – vont alimenter l’enquête de Chen, et contribuer à sa découverte de la vérité. Car bien entendu notre policier finira par démasquer le – ou les – coupable. Il se verra toutefois contraint de dissimuler la réalité des faits à ses concitoyens afin de ne pas porter préjudice à la politique sanitaire aberrante du gouvernement. Cet interdit ne fera que renforcer sa résolution de tenter de publier hors de Chine le contenu du « Dossier de Wuhan ». Quitte à tromper la censure en traduisant les textes en anglais et en les plaçant sous la couverture d’un recueil de poésie classique.
« Amour, meurtre et pandémie ». De Qiu Xiaolong. Traduit de l’anglais par Françoise Bouillot. Liana Levi, 224 p.
Peu de romanciers se sont emparés du Covid. Une relative amnésie qui redouble l’intérêt du dernier polar de Qiu Xiaolong, « Amour, meurtre et pandémie ». Non content de redonner travail et respectabilité à son désormais ex-inspecteur principal Chen Cao, l’écrivain nous plonge dans l’indicible horreur d’une Chine soumise, contre vents et marées, à l’implacable politique du […]
A propos de ce blog
Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz