Le nouveau polar de Simone Buchholz? Un poème en prose, un récit fractionné superbe et triste autour de « quelqu’un qui contemple en même temps son passé, son présent et son avenir, qui est prisonnier de tout, de l’avant, du maintenant et de l’après-demain ». Un roman comme toujours un peu étrange et très travaillé, sobrement, tout naturellement, baptisé « River Clyde ».
La personne en question, les fans de l’autrice allemande l’ont reconnue, c’est la procureure Chastity Riley, dite Chas, l’héroïne hirsute de ses romans précédents situés à Hambourg. En congé forcé à la suite d’une prise d’otages qui a mal tourné et qui s’est terminée avec la mort d’un collègue et ami, cette rousse fantasque et un brin déjantée se laisse peu à peu dépérir. Au grand dam de son coéquipier, le séduisant, ténébreux et à sa manière amoureux Ivo Stepanovic, ainsi que de ceux qui travaillaient avec elle et qui se retrouvent eux aussi traumatisés par le drame.
Or voilà que le salut, du moins temporaire, arrive. Par le biais d’une lettre envoyée à Chas de Glasgow. Il y est question d’une maison léguée par une tante qui vient de décéder. Cette occasion de changer d’air tombe à pic. Notre enquêtrice sort de sa léthargie, saute dans un avion pour l’Ecosse et part sur les traces de sa famille et de ses racines. Parallèlement, fidèle aux codes du polar plus classique, une partie du roman se poursuit à Hambourg où les policiers Stepanovic et Calabretta cherchent à coincer les auteurs d’une série d’incendies criminels, et meurtriers.
Contre-poids aux bars bien-aimés du quartier hambourgeois de Sankt Pauli, Glasgow, son fleuve, ses pubs accueillent généreusement notre exilée funambule. Elle se saoule à la bière et au whisky en écoutant Johnny Cash. Elle y croise l’homme qui avait tant aimé sa tante Eliza et lui assure que « même avec un cœur transpercé, tu peux parcourir le monde, il en sortira juste une autre sorte d’amour ». Dans sa vieille bagnole, il l’accompagne ensuite dans le sud des Highlands pour découvrir la maison. Un paysage à la fois « incroyablement beau et incroyablement terrifiant » pour revisiter son passé et finir par envisager la possibilité d’un futur.
« River Clyde » – où le fleuve lui aussi devient un personnage – est un roman du deuil sur lequel on peut embarquer avec ses propres tristesses et désillusions pour une traversée de la douleur sans anesthésie ni calmant. Un voyage qui paradoxalement fait du bien, qui clôt avec subtilité la série consacrée à la procureure Chastity tout en nous suggérant que, la plupart du temps, « ce sont les nuits qui sont les meilleurs jours ».
« River Clyde ». De Simone Buchholz. Traduit de l’allemand par Claudine Layre. L’Atalante, collection Fusion, 222 p.
Sur d’autres livres de Simone Buchholz:
https://polarspolisetcie.com/nuit-de-crystal-a-hambourg/
https://polarspolisetcie.com/romeo-et-juliette-a-breme/
https://polarspolisetcie.com/prise-dotages-dans-un-hotel-de-hambourg/
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Même en Ecosse, les beaux jours finissent par arriver. Mais pour Harry McCoy, l’enquêteur écorché vif d’Alan Parks, pas question d’en profiter. Dans « Mourir en juin », sixième volume d’une série articulée autour des mois de l’année et située dans les années 1970 (lire: https://polarspolisetcie.com/mccoy-un-flic-qui-a-peur-du-sang/ et https://polarspolisetcie.com/un-printemps-detonant-a-glasgow/), une fois encore la guerre des gangs menace, la corruption gangrène jusqu’à la police et les cadavres se succèdent. Des clochards, en l’occurrence. Voilà qui touche particulièrement notre inspecteur en chef lui-même issu des bas-fonds de Glasgow et abandonné enfant par un père alcoolique qui vit aujourd’hui – ou plutôt survit, et de plus en plus mal – dans la rue.
Qui peut bien en vouloir à de telles épaves? Pas de doute en effet, après plusieurs morts suspectes, la cruelle vérité s’impose. Il s’agit bien d’homicides. Ces hommes sont morts après avoir bu un liquide frelaté. Redoutant à chaque fois de se retrouver face au cadavre de son père, McCoy interroge tous ceux qui, de près ou de loin, fréquentent ces déshérités humiliés et déchus. Une descente aux enfers dont le lecteur ressort un peu sonné et comme à chaque fois fasciné par la façon dont l’écrivain Alan Parks parvient à marier la présence quasi physique d’une ville hyperviolente et l’ambivalence paradoxale et fragile de son héros toujours à deux pas de basculer dans l’illégalité et l’alcool.
« Pour une fois, Glasgow était gai », ironise Alan Parks dans « Mourir en juin ». La réalité, on l’a vu, l’est beaucoup moins. D’autant que McCoy et son fidèle acolyte Wattie ont été délocalisés au commissariat de Possil dans le cadre d’une prétendue restructuration de la police de Glasgow – nous vous laisserons en découvrir la vraie raison. « Le commissariat de Possil était presque neuf, il datait de moins d’un an, mais il n’avait pas fallu longtemps pour que ses salles d’interrogatoire ressemblent à celles de tous les autres commissariats de la ville. Une salle nue, une table métallique, quatre chaises boulonnées au sol et deux néons dans des cages de fil de fer au plafond. Ça sentait le tabac froid et la sueur rance », décrit l’auteur avec une précision chirurgicale. Dans ce contexte déprimant, les deux policiers, malmenés par leurs nouveaux collègues, vont comme toujours mener de front plusieurs enquêtes imbriquées. Il y est notamment question de la disparition d’un jeune enfant, dont il n’existe nulle trace et qui peut-être n’existe pas. Un bambin dont le père ne serait autre que le sulfureux révérend West, le pasteur de l’inquiétante Eglise des souffrances du Christ! Bref, un polar parfaitement réussi, empathique, complexe, et machiavélique à souhait!
« Mourir en juin ». D’Alan Parks. Traduit de l’anglais par Olivier Deparis. Rivages/Noir, 366 p.
Même en Ecosse, les beaux jours finissent par arriver. Mais pour Harry McCoy, l’enquêteur écorché vif d’Alan Parks, pas question d’en profiter. Dans « Mourir en juin », sixième volume d’une série articulée autour des mois de l’année et située dans les années 1970 (lire: https://polarspolisetcie.com/mccoy-un-flic-qui-a-peur-du-sang/ et https://polarspolisetcie.com/un-printemps-detonant-a-glasgow/), une fois encore la guerre des gangs menace, la […]
Après « Que le meilleur gagne » (https://polarspolisetcie.com/un-machiavelique-compte-a-rebours/) écrit à quatre mains et paru l’an dernier, le Norvégien Jørn Lier Horst nous revient en solo, et en pleine forme. « Le dossier 1569 » se révèle même plus machiavélique que jamais dans son art de multiplier les fausses pistes et d’aligner des preuves trop parfaites pour être crédibles. Pour le reste, comme toujours sobre, précis, et riche de son expérience d’ancien inspecteur de police, l’écrivain, né en 1970 dans le sud de la Norvège, reste fidèle à la ville côtière de Larvik pour, cette fois-ci, nous convier au cœur de l’été scandinave.
Situation plutôt inédite, l’inspecteur William Wisting est en vacances. Il commence à prendre de l’âge et connaît quelques problèmes de santé. Pour se maintenir en forme, il compte donc minutieusement ses pas, s’efforce de boire de l’eau et tond consciencieusement sa pelouse. Parallèlement, il ne peut toutefois s’empêcher de se tenir discrètement informé des affaires en cours. Et les choses basculent quand il reçoit, dans sa propre boîte, une lettre anonyme. Le voilà revenu, officieusement et en franc-tireur, sur le sentier de la guerre aux affaires mal ou non résolues.
La missive contient une simple feuille pliée en quatre sur laquelle est inscrite une succession de chiffres: 12-1569/99. Qu’il s’agisse du numéro d’un dossier ne fait pas de doute pour qui connaît les protocoles en usage dans la police. Le cas en question remonte à juillet 1999 et avait été traité par un collègue. Une jeune fille, Tone Vaterland, avait été assassinée après être allée se baigner en rentrant à vélo du travail. L’ancien petit ami de la victime avait été rapidement désigné coupable. Trop rapidement? C’est en tout cas ce que suggèrent d’autres lettres anonymes qui lui parviennent et renvoient à un meurtre similaire survenu quelques années plus tard. Une enquête, cette fois-ci, placée sous la responsabilité de Wisting.
« Quand on rouvre des affaires anciennes, il se passe toujours des choses imprévues », constate l’un des personnages du roman. Une complexité que l’auteur met en scène avec talent. Entremêlant les temporalités et multipliant les points de vue, il élabore un véritable labyrinthe de pistes diaboliquement entremêlées. Parallèlement à cet enchaînement en cascade de suppositions, de vérités tronquées et de mensonges, il initie son héros aux nouvelles techniques d’investigation et l’entraîne jusqu’aux Etats-Unis pour interroger un potentiel suspect. De quoi rendre accro le lecteur le plus flegmatique. Pas de doute, Jørn Lier Horst est un tout grand du polar nordique!
« Le dossier 1569 ». De Jørn Lier Horst. Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier. Gallimard, Série noire, 438 p.
Après « Que le meilleur gagne » (https://polarspolisetcie.com/un-machiavelique-compte-a-rebours/) écrit à quatre mains et paru l’an dernier, le Norvégien Jørn Lier Horst nous revient en solo, et en pleine forme. « Le dossier 1569 » se révèle même plus machiavélique que jamais dans son art de multiplier les fausses pistes et d’aligner des preuves trop parfaites pour être crédibles. Pour […]
« Rue de l’Espérance, 1935 » est la suite de « Passage de l’Avenir, 1934 », le premier roman du Français Alexandre Courban paru l’an dernier chez Agullo. Mêmes lieux, même époque, mêmes protagonistes (le commissaire Bornec et le journaliste de L’Humanité Gabriel Fumel), pas de doute, le cadet ressemble à son aîné comme un frère. Trop peut-être! Après un premier volet passionnant, mais à la construction un peu raide, on aurait souhaité que l’auteur arrondisse les angles, qu’il affine son style et passe de façon plus souple et vivante du document à la fiction. Cela dit, « Rue de l’Espérance, 1935 », reste un bon polar historique qui illustre avec précision et de manière très documentée l’avènement du Front populaire et les ultimes espoirs des militants unis de la gauche pour tenter de tenir à distance le fascisme.
Fin 1934, quand débute le roman, la Seconde Guerre mondiale déjà se profile à l’horizon. Or voilà qu’un drame inédit se produit. Le conducteur de la rame 316 du métro parisien découvre, le dimanche 9 décembre, un homme poignardé à mort dans la voiture de première classe. La seule qui soit de couleur rouge. Aussitôt sur les lieux, le commissaire Bornec constate l’étrange forme du couteau au manche de corne enfoncé jusqu’à la garde dans le cou de la victime. Une signature laissée par l’assassin? La victime, André Legendre, travaillait comme dessinateur industriel à la Société des moteurs Gnome et Rhône, spécialisée dans l’aéronautique. Un domaine ultra-sensible en cette époque de tensions internationales.
Le lecteur, contrairement aux enquêteurs, le comprend très vite. L’assassin, surnommé le Sarde – l’hommes des basses œuvres de l’Ovra, la police politique italienne, n’en est ni à son premier, ni à son dernier crime. L’intérêt du livre n’est donc pas de découvrir son identité, mais de percer à jour ses motivations et celles de ses commanditaires. En parallèle, on s’intéresse aux conditions de travail particulièrement rudes des ouvriers métallurgistes avant de participer, en direct, au fameux 14 juillet 1935 qui vit défiler un demi-million de sympathisants du Front populaire.
Grand connaisseur des journaux de l’époque, et en particulier de L’humanité à qui il a consacré sa thèse, Alexandre Courban en « profite » pour nous offrir des informations de première main. Tapis dans l’ombre, on assiste à l’effervescence d’une séance de rédaction placée sous la surveillance d’André Marty chargé, au nom de la direction du Parti communiste, d’assurer le contrôle politique du journal L’Humanité. On se rend ensuite à une représentation de Tosca à l’Opéra-Comique et l’on découvre, surpris, l’existence du métier de « décrotteur de rails ». Et comme nous sommes en France, la gastronomie et la culture du bistrot de quartier ne sont pas oubliées.
« Rue de l’Espérance, 1935 ». D’Alexandre Courban. Agullo Noir, 280 p.
« Rue de l’Espérance, 1935 » est la suite de « Passage de l’Avenir, 1934 », le premier roman du Français Alexandre Courban paru l’an dernier chez Agullo. Mêmes lieux, même époque, mêmes protagonistes (le commissaire Bornec et le journaliste de L’Humanité Gabriel Fumel), pas de doute, le cadet ressemble à son aîné comme un frère. Trop peut-être! Après […]
Un petit bijou, ce polar! A la seule idée qu’on aurait pu le manquer, on en frémit rétrospectivement. Comme « Les jours de la peur » paru pour la première fois en français l’an dernier, « Passé, présent et après » de Loriano Macchiavelli se révèle un livre étonnant à tous points de vue. Et tout d’abord visuellement, avec son esthétique un brin désuète, sa couverture en carton à rabats et ses photographies toutes en trames et en grisailles qui encadrent le roman comme une fenêtre ouverte. Saluons à ce propos la philosophie des éditions du Chemin de fer qui, avec cet auteur étonnant, inaugurent leur nouvelle collection Train de nuit consacrée « à des romans noirs à haute valeur littéraire ».
Ce parti pris exigeant nous permet en effet de (re)découvrir avec émerveillement l’un des grands du polar italien, un auteur – aujourd’hui nonagénaire – qui envisageait le roman noir comme une façon d' »être contre » et comme un terrain propice à l’expérimentation. Macchiavelli, par exemple, n’a pas hésité à inclure dans ses récits un narrateur-auteur qui, parlant à la première personne et tapis dans l’ombre, partage avec nous ses doutes tout en commentant avec humour les décisions et les actions du personnage principal, créé en 1974, le sergent Sarti Antonio.
L’autre figure clé des romans de Macchiavelli, c’est Bologne, avec ses luttes politiques, ses beautés et ses laideurs. « Passé, présent et après » est même consacré à un quartier spécifique de la capitale de l’Emilie-Romagne, le Pilastro. « A l’époque, explique l’auteur dans la préface de cette nouvelle traduction destinée aux lecteurs francophones (le roman était déjà paru en 2008 chez Métailié sous un autre titre), le Pilastro était éparpillé dans les champs de la banlieue, c’était presque un bourg construit pour donner un toit aux extra-communautaires d’alors: les Italiens venus du sud. »
Une belle et surprenante rencontre
Le temps d’un roman, ce territoire interlope va devenir la seconde maison de Sarti Antonio. Sanctionné par sa hiérarchie pour avoir laissé dérober dans une exposition trois anciennes pièces de monnaie de grande valeur, il est en effet condamné à y patrouiller de nuit avec la voiture 28 en compagnie de son fidèle chauffeur et collègue Felice Cantoni. Parmi toute une galerie de personnages hauts en couleur croisés à l’occasion, il y fait une fort belle et surprenante rencontre, celle d’un enfant de 11 ans, Claudio, qu’il va tenter de protéger et qui, après bien des détours, lui permettra de démasquer son voleur.
Trônant au Panthéon des fins limiers du roman noir, Sarti Antonio reste un flic de polar atypique. Ni superman ni looser, grand buveur de café – mais qu’il trouve rarement à la hauteur du sien – il souffre de crises de colite qui l’obligent à interrompre à tout moment ses enquêtes pour rechercher des toilettes. Droit, foncièrement honnête, avec une conscience professionnelle et un courage à toute épreuve, il manque en revanche d’esprit de déduction et de synthèse. Pour faire le point sur une affaire, il recourt donc régulièrement à l’esprit acéré de son ami Rosas, un « anar de gauche », une tronche qui passe son temps à lire et étudier tout en sifflotant. Pour la bonne bouche, et sans déflorer la chute de « Passé, présent et après », on mentionnera la dernière scène du roman qui voit Sarti Antonio et Rosas, poursuivis par un homme armé, fuir à deux sur un vélo dont l’un et l’autre ignorent s’il a des freins. « La pente s’obstine à être des plus raides. Je ne peux plus rester derrière les deux zouaves et je les laisse filer », nous prévient le narrateur-auteur. Avant d’ajouter avec humour: « Il me déplairait fort de perdre le sergent Sarti Antonio d’une manière aussi triviale. »
« Passé, présent et après ». De Loriano Macchiavelli. Traduit de l’italien par Laurent Lombard. Les éditions du Chemin de fer, 288 p. En librairie le 15 janvier 2025.
A lire aussi:
« Les jours de la peur », la première enquête du sergent Sarti Antonio. De Loriano Macchiavelli. Traduit de l’italien par Laurent Lombard. Les éditions du Chemin de fer, 192 p.
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Dimanche 2 mai 1965. Le grand Louis Aragon se recueille au sommet de la Butte du Lion à Waterloo. Un pèlerinage en lien avec son projet de reprendre entièrement le texte de son roman « Les Communistes ». Alors que l’écrivain redescend pour rejoindre ses compagnons du Parti et les mondanités qui l’attendent à Bruxelles, il essuie un coup de feu qui le rate de peu. On l’exfiltre aussitôt. Ce prétendu attentat sert de point d’ancrage au nouveau roman de François Weerts, « On a tiré sur Aragon ». Un récit où se mêlent allégrement réalité et fiction.
Mécontents de la mollesse avec laquelle la police traite l’agression, le Parti communiste belge (PCB) mandate Viktor Rousseau, un détective privé grand lecteur de polars, pour découvrir qui en voulait à l’auteur de « Les yeux d’Elsa ». Et comme un boulot n’arrive jamais seul, Jean d’Arteveld, le secrétaire perpétuel de l’Académie belge, charge aussi notre limier de faire la lumière sur une deuxième affaire, qui concerne un ancien proche d’Aragon. En résumé, un homme de lettres bruxellois aurait retrouvé un manuscrit égaré de l’écrivain Paul Nizan et posséderait la preuve que ce dernier – qui venait de rompre avec le Parti communiste – aurait été abattu par un commando soviétique alors qu’il combattait sur le front. Un véritable assassinat couvert par Aragon pour des raisons idéologiques. Une affabulation rocambolesque? A Viktor Rousseau de le prouver, et ce ne sera pas facile.
On l’a compris! François Weerts, né en 1960 à Addis-Abeba, n’est pas un amateur de lignes droites, de résumés et de synthèses. Au risque de lasser son lecteur, ce journaliste établi à Waterloo l’emmène quasiment heure par heure à travers les innombrables méandres d’une enquête qui piétine, s’effiloche, se dédouble et n’évite pas les culs-de-sac. Et pourtant, on croche et on s’accroche car l’auteur parvient à merveille à saisir, dans toute leur ambiguïté, ces années 1960 encore hantées par le fantôme de la Seconde Guerre mondiale. Une époque où les plaies de la collaboration et les stigmates de l’épuration sont encore vivaces. Viktor Rousseau, le sympathique enquêteur de François Weerts, le découvrira à ses dépens. Avec amertume et tristesse.
« On a tiré sur Aragon ». De François Weerts. Rouergue noir, 448 p. En librairie le 8 janvier 2025.
Dimanche 2 mai 1965. Le grand Louis Aragon se recueille au sommet de la Butte du Lion à Waterloo. Un pèlerinage en lien avec son projet de reprendre entièrement le texte de son roman « Les Communistes ». Alors que l’écrivain redescend pour rejoindre ses compagnons du Parti et les mondanités qui l’attendent à Bruxelles, il essuie […]
A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz