Se lancer dans une nouvelle aventure littéraire à 68 ans, voilà qui est plutôt rare et courageux. Après une cinquantaine de polars à succès mettant en scène ses personnages fétiches – le flic Harry Bosch, l’avocat Mickey Haller, l’inspectrice Renée Ballard et le journaliste Jack McEvoy – Michael Connelly change de décor et de héros. Dans « Sous les eaux d’Avalon », son dernier polar, l’écrivain américain quitte la vie trépidante de Los Angeles pour le cadre idyllique de Santa Catalina, une île rocheuse de 194 km2 située à 35 kilomètres du continent. Et pour nous la faire découvrir, il crée de toutes pièces un nouvel enquêteur, un homme têtu, intègre et courageux, l’inspecteur Stilwell.
Ce parti pris nous permet d’assister en direct à la naissance d’un personnage, à la manière dont ce dernier peu à peu s’ancre dans la fiction. Au départ, on ne sait rien de lui. Ensuite progressivement, comme dans un film, les choses s’éclairent, prennent forme et des repères se mettent en place. La figure de Stilwell se dessine, avec un passé, des sentiments. On découvre notamment qu’il entretient une relation amoureuse stable avec Tash – une nouveauté dans l’univers romanesque de Michael Connelly.
Un cadavre bien gênant découvert sous un bateau
Débarqué de l’unité des Homicides du LAPD (Los Angeles Police Department), Stilwell a atterri à Santa Catalina après une embrouille avec un collègue peu scrupuleux. Il s’agit donc d’un placard, même pas doré, d’une manière de le punir en lui coupant les ailes. « En sa qualité d’inspecteur assigné à Avalon (la ville principale de Santa Catalina, réd.), c’était lui qui commandait les forces de l’île. Cet honneur lui valait tout un tas de tâches de gestion et d’administration qu’il n’acceptait qu’à regret », précise l’auteur.
En temps normal, à part quelques délits mineurs, il ne se passe par grand-chose dans ce paradis protégé pour touriste fortunés. Peu après l’arrivée de Stilwell, toutefois, la situation se dégrade. Outre une histoire de bison mutilé, et en plus de l’agression d’un officier de police dans un bar, notre inspecteur se retrouve avec un cadavre sur les bras. Il s’agit d’une jeune femme à la réputation un brin sulfureuse qui travaillait dans un club privé très sélect. Son corps, enveloppé dans une bâche et lesté, a été retrouvé sous un bateau du port.
En pleine saison touristique, le maire tente d’étouffer l’affaire. Il est aidé par des policiers qui, envoyés du continent, se contentent d’enquêter mollement. Bien qu’officiellement tenu à l’écart, Stilwell ne peut rester inactif. Il part sur les traces du tueur et dénonce les conclusions hâtives de ses collègues, s’attirant les remontrances et les menaces de son supérieur. Rien n’y fait. Tenace et têtu, notre inspecteur s’accroche, entraînant le lecteur dans une traque haletante relatée avec brio dans un style quasi cinématographique.
Après ce premier galop d’essai, le personnage de Sitwell semble promis à un bel avenir. Gageons aussi que, comme à son habitude, Michael Connelly lui fera rencontrer par la suite ses autres personnages. « Il reviendra certainement, confirme l’auteur dans une interview, et je suis à un stade où je réfléchis à qui je vais le présenter en premier. Haller? Ballard? Bosch? Peut-être McEvoy? Je n’ai pas encore décidé, mais je m’amuse à imaginer toutes les possibilités. »
« Sous les eaux d’Avalon ». De Michael Connelly. Traduit de l’anglais par Robert Pépin. Calmann-Lévy Noir, 386 p. En librairie le 11 juin 2025.
Sur un autre livre de Michael Connelly:
https://polarspolisetcie.com/proces-a-haut-risque-pour-michael-connelly/
Se lancer dans une nouvelle aventure littéraire à 68 ans, voilà qui est plutôt rare et courageux. Après une cinquantaine de polars à succès mettant en scène ses personnages fétiches – le flic Harry Bosch, l’avocat Mickey Haller, l’inspectrice Renée Ballard et le journaliste Jack McEvoy – Michael Connelly change de décor et de héros. […]
Ecrivain aussi passionné que passionnant, Keith McCafferty a grandi dans les Appalaches. Son amour de la pêche à la mouche l’a toutefois conduit dans le Montana où il est devenu rédacteur en chef du magazine de vie au grand air Field & Stream. Le Montana sert aussi de décor et d’ancrage à ses romans, des polars mettant en scène le couple parfois explosif mais efficace formé par la shérif Martha Ettinger et son ami-amant Sean Stranahan aquarelliste, guide de pêche et détective privé à ses heures.
Sixième enquête du duo, « La rivière au cœur froid » démarre sur un fait divers tragique. Prise dans une tempête de neige, une femme meurt de froid dans la montagne, en plein mois d’avril. Pour tenter de s’en sortir, Freida avait rampé jusque dans la tanière d’un grizzli. Se sentant coupable d’avoir entraîné son épouse dans cette équipée mal préparée, son mari se suicide. Peu après, les enquêteurs découvrent dans les affaires abandonnées du couple une boîte à mouches de pêche inhabituelle. Il s’agit d' »une sorte de portefeuille en cuir, à fermeture éclair et doublé en peau de mouton » sur lequel sont estampillées à la pyrogravure les initiales EH. EH comme Ernest Hemingway, devine aussitôt le lecteur qui a lu la quatrième de couverture du livre.
Changement de ton, changement de registre. Un homme – le frère de Freida – est retrouvé mort dans une rivière. Accident ou meurtre? Le doute subsiste. Puis c’est au tour de la femme qui a découvert son cadavre d’être assassinée. Or ces deux victimes avaient, elles aussi, un lien avec Hemingway, plus particulièrement avec une mystérieuse malle de pêche qui lui appartenait et qui aurait été volée, ou perdue, lors d’un transport en train vers l’Idaho, en 1940. Une malle dont une luxueuse canne en bambou refendu s’est brusquement retrouvée sur le marché. Une malle qui, peut-être, contenait aussi un manuscrit inachevé.
Pour écrire ce roman, Keith Mc Cafferty s’est inspiré d’un fait réel. Une anecdote que lui a rapporté Jack Hemingway, le fils du célèbre écrivain. Ce livre est donc une forme d’hommage. Comme à son habitude, l’auteur puise également dans les rudes et magnifiques paysages du Montana pour nourrir, et littéralement enrober, l’enquête de la shérif Martha Ettinger et de son adjoint. Bravant les frontières, et parfois l’éthique policière, ce dernier multiplie les défis et les prises de risque. Dans sa zigzagante chasse au trésor, à la recherche d’un vieil homme un peu fou – un admirateur absolu d’Hemingway, il nous emmène crapahuter sur les eaux gelées du Froze-to-Death Lake, puis déguster un cocktail dans un bar animé de La Havane.
« La rivière au cœur froid » est un roman profus, touffu qui multiple les rebondissements, les sauts, les personnages. Il ignore la logique ordinaire, multiplie les retours en arrière et défie la hiérarchie des faits. L’enquête permet aussi à l’auteur de nous offrir une magnifique galerie de portraits haut en couleur. Et d’irrésistibles descriptions de rivières. De quoi donner des envies de pêche à la mouche même aux lecteurs les plus réfractaires à ce sport.
« La rivière au cœur froid ». De Keith McCafferty. Traduit de l’anglais par Marc Boulet. Gallmeister, 480 p.
Sur d’autres livre de Keith McCafferty:
https://polarspolisetcie.com/les-cheminees-peuvent-etre-mortelles-avis-au-pere-noel/
https://polarspolisetcie.com/des-bisons-une-sherif-intrepide-et-une-irresistible-sirene/
Ecrivain aussi passionné que passionnant, Keith McCafferty a grandi dans les Appalaches. Son amour de la pêche à la mouche l’a toutefois conduit dans le Montana où il est devenu rédacteur en chef du magazine de vie au grand air Field & Stream. Le Montana sert aussi de décor et d’ancrage à ses romans, des […]
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, « Henua » (qui signifie la terre natale en marquisien) toutefois nous rassure. Marin Ledun aborde avec un tel respect cette terre, cette langue et cette culture qui l’émerveillent qu’il déjoue les pièges des clichés et de l’exotisme de pacotille. Alors, certes, les descriptions de lieux et de paysages sont un peu trop nombreuses et systématiques pour être naturelles, on sent aussi le besoin de faire et de dire vrai. Rien à voir cependant avec ces polars biberonnés à Wikipédia qui régulièrement nous inondent.
Fort habilement, Marin Ledun inscrit d’ailleurs son regard et son statut d’étranger au cœur même de son roman. Il le fait à travers les ambivalences et les questionnements de son personnage principal, Tepano Morel, né d’une mère marquisienne et d’un père français. Ce jeune lieutenant de gendarmerie a grandi et s’est formé en métropole avant d’être muté à Papeete, à Tahiti. Dépêché aux Marquises pour enquêter sur un meurtre, il débarque pour la première fois de sa vie sur la terre de ses ancêtres. Il y est accueilli et secondé par la sous-lieutenante Poerava Wong, responsable de la brigade territoriale autonome de Nuku Hiva. Seul bémol, cette jeune femme dynamique et volontaire avait été une amie très proche de la victime, ce qui n’est pas sans poser problème.
Une femme trop belle et trop libre
La morte s’appelait Paiotoka O’Connor. Elle avait 28 ans, un enfant autiste qu’elle élevait seule, et des moyens de subsistance précaires. Décédée des suites d’une blessure à la tête, elle a été retrouvée à proximité du lieu-dit Terre rouge, au sud de l’île, par un chasseur de chèvres sauvages. D’une fascinante beauté, cette femme était aussi très libre, ce qui n’était pas sans engendrer jalousies et malentendus. Cherchant à découvrir son ou ses meurtriers, Tepano Morel va peu à peu prendre conscience qu’entre petits et grands trafics, vivre aux Marquises peut être rude et cruel.
Parallèlement à cette première enquête, Tepano Morel profite de son séjour aux Marquises pour renouer avec ses origines. Il retrouve différents témoins qui ont connu sa mère aujourd’hui décédée et commence peu à peu à comprendre les raisons du silence qu’elle a toujours gardé sur un passé tragiquement hanté par le spectre des essais nucléaires français en Polynésie. Une dénonciation des effets délétères du colonialisme où l’on reconnaît bien le caractère engagé de l’auteur et sa volonté de dénoncer les abus des puissants quels qu’ils soient.
Ce militantisme avoué n’a toutefois rien d’austère. Tandis que son personnage multiplie les rencontres et les entretiens, Marin Ledun s’amuse à brouiller les pistes et à multiplier les potentiels coupables. Il en profite aussi pour nous offrir un amusant clin d’œil en glissant dans la bibliothèque d’un maraîcher marquisien cultivateur de paka (cannabis) deux livres de Simone Buchholz, une excellente auteure de polars allemande. Pas de doute, en plus d’être un écrivain talentueux, Marin Ledun est un lecteur exigeant!
Marin Ledun est l’un des auteurs invités à la 21e édition du festival Quais du Polar qui se tient du 4 au 6 avril à Lyon. https://quaisdupolar.com/
« Henua ». De Marin Ledun. Gallimard, Série noir, 416 p.
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, […]
L’écriture semble un peu sage, les dialogues un brin scolaires? Surtout ne vous laissez pas décourager par cette première impression. Il serait vraiment dommage de passer à côté d' »Etincelles rebelles » de Macodou Attolodé. Si les principales qualités de cet excellent polar sénégalais résident dans la richesse et l’engagement de son propos, il faut aussi relever les affinités de l’auteur avec l’étrange et son talent pour incruster de magie un récit solidement ancré dans le réel.
Cette créativité, cette souplesse, Macodou Attolodé les doit à ses origines et son parcours. Né en 1991 à Dakar, arrivé en France après son bac pour faire des études d’ingénieur, il travaille aujourd’hui à Rennes comme développeur d’applications web. « Etincelles rebelles, » son premier roman, nous emmène à Dakar puis en Casamance en compagnie du jeune inspecteur Gabriel Latyr Faye. Un homme aussi courageux qu’intègre!
Exil en Casamance
Après un an de recherches et huit mois d’infiltration, ce brillant policier vient justement d’arrêter le chef d’une puissante organisation criminelle spécialisée dans le trafic international de cocaïne. Sa hiérarchie lui donne l’ordre de relâcher sur le champ ce prisonnier prétendument innocent. Il l’ignore. On lui fait alors miroiter une promotion avantageuse, mais immédiate. Qu’il décline également pour ne pas devoir lâcher l’enquête en cours. La sanction, dès lors, ne se fait plus attendre. L’après-midi même, Latyr est muté à Ziguinchor, en Casamance, dans le sud-ouest du pays, une région en proie à un conflit larvé opposant les rebelles du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) à l’armée sénégalaise. Il y fait la connaissance d’Aguène, une journaliste intrépide impliquée elle aussi dans la lutte contre le trafic de drogue. Ils décident de mettre en commun leurs forces. Et le lecteur en profite pour s’initier à tout un pan de l’histoire récente du pays.
Le mal ne joue pas franc jeu
Pour mener à bien leur mission, Aguène et Latyr bénéficient de protections aussi insolites qu’imparables. Le policier prend régulièrement un médicament qui, fourni par sa mère, le fait immédiatement vomir dès qu’il ingère un aliment nocif, voire empoisonné. La jeune femme bénéficie, elle, de l’inestimable soutien d’un grand-père un peu sorcier et de l’essaim d’abeilles qui lui sert de bouclier, « ma barrière naturelle de solitude », comme ce dernier le désigne joliment. Leur combat contre les trafiquants et un ministre particulièrement véreux n’en restera pas moins rude d’autant qu’en Casamance « le mal ne joue pas franc-jeu ». Le lecteur se gardera donc de trancher trop vite entre les bons et les méchants. Avec Macodou Attolodé, on n’est jamais au bout de ses surprises. Et c’est l’une des nombreuses qualités de son roman.
« Etincelles rebelles ». De Macodou Attolodé. Gallimard, Série noire, 370 p. En librairie le 9 janvier 2025.
L’écriture semble un peu sage, les dialogues un brin scolaires? Surtout ne vous laissez pas décourager par cette première impression. Il serait vraiment dommage de passer à côté d’ »Etincelles rebelles » de Macodou Attolodé. Si les principales qualités de cet excellent polar sénégalais résident dans la richesse et l’engagement de son propos, il faut aussi relever […]
Le nom de l’Américain Horace McCoy ne vous dit rien? Son œuvre, pourtant, brille au firmament des classiques du polar. « On achève bien les chevaux », c’est lui, « Un linceul n’a pas de poches », lui aussi. Publié en 1937 en… Angleterre, adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky en 1974, ce roman traite de la liberté de la presse, des brimades des politiques et de la pression exercée par la publicité sur les journalistes. Il n’a pas pris une ride. Aujourd’hui comme hier, oser dire la vérité peut mettre en péril un emploi, ou même une vie.
Grâce à l’astucieuse politique de réédition de la Série noire qui nous a déjà valu quelques savoureuses pépites (https://polarspolisetcie.com/relire-raymond-chandler-vite/, https://polarspolisetcie.com/le-tueur-fou-du-sentier/), « Un linceul n’a pas de poches » nous revient dans une traduction révisée par Michael Belano. La préface de Benoît Tadié rappelle que ce livre a connu plusieurs titres provisoires, qu’il a d’abord été refusé par les éditeurs américains qui ne l’ont publié qu’en 1948, dans une version édulcorée, et qu’il comporte une importante part autobiographique. Il est vrai qu’avec une vie aussi singulière et mouvementée, il y avait de quoi faire.
Un style vif et concis
Né en 1897 à Pegram (Tennessee) dans une famille pauvre, Horace McCoy commence à travailler à 12 ans comme vendeur de journaux. En 1917, il s’engage dans l’armée, devient observateur aérien et débarque en France en 1918. Il y sera décoré de la Croix de Guerre pour héroïsme. Démobilisé, il devient journaliste sportif à Dallas, commence à écrire, publie ses premières nouvelles, mais perd son emploi lors de la Grande Dépression de 1929. On le retrouve ensuite à Hollywood où il tient quelques petits rôles avant de se consacrer à l’écriture de scénarios. En littérature, on compare souvent son style vif et concis à ceux de Steinbeck et Hemingway, mais son regard sans concession sur la société américaine dérange. En 1955, à 58 ans, Horace McCoy meurt d’une crise cardiaque à Beverly Hills, dans l’indifférence générale.
Des émules du Ku Klux Klan
Toutes ces expériences, transfigurées, ressurgissent dans « Un linceul n’a pas de poches ». Colton, où se déroule l’intrigue, est en outre clairement inspirée par Dallas, où l’écrivain a vécu entre 1919 et 1930. Mike Dolan, le personnage principal du roman, est un journaliste épris de justice et de vérité. Il démissionne avec fracas du journal qui l’emploie quand le rédacteur en chef refuse, une fois de plus, un article dénonçant la corruption dans le monde du base-ball. Avec deux amis, dont la piquante et indomptable Myra, ce Don Quichotte sans peur mais pas sans failles crée alors son propre magazine, le Cosmopolite. Déjouant les attaques de ses ennemis et les chausse-trappes d’une vie amoureuse agitée, il multiplie les révélations et va jusqu’à s’attaquer aux Croisés, des fanatiques qui s’inspirent des pratiques et de l’idéologie du Ku Klux Klan. Une société secrète à la tête de laquelle siègent plusieurs notables de la ville. Ces derniers seront-ils prêts à tout pour le faire taire? La victoire est fragile et vulnérable quand ses ailes sont en papier.
« Un linceul n’a pas de poches ». De Horace McCoy. Traduction de l’anglais de Sabine Berritz et Marcel Duhamel, révisée par Michael Belano. Préface inédite de Benoît Tadié. Gallimard, Série noire, 290 p.
Le nom de l’Américain Horace McCoy ne vous dit rien? Son œuvre, pourtant, brille au firmament des classiques du polar. « On achève bien les chevaux », c’est lui, « Un linceul n’a pas de poches », lui aussi. Publié en 1937 en… Angleterre, adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky en 1974, ce roman traite de la liberté de […]
Ce livre n’aurait pas dû voir le jour. Louise Penny nous le confie à la fin d' »Au royaume des aveugles ». Après le décès de son mari qui lui avait inspiré le personnage du policier québécois Armand Gamache, l' »Agatha Christie canadienne », comme l’a surnommée la presse, se sentait incapable de continuer la série. Et puis cette nouvelle enquête – il faudrait plutôt dire ces nouvelles enquêtes car comme toujours ce roman est largement polyphonique – a vu le jour presque indépendamment de sa volonté, un peu par miracle. Et sans tristesse. « Non pas par obligation, mais dans la joie », précise-t-elle.
« Au royaume des aveugles », ce sont donc deux enquêtes parallèles, deux affaires indépendantes avec pour ancrage commun Armand Gamache et son équipe. Nous sommes en plein l’hiver. Le directeur général de la Sûreté du Québec, ou ex-directeur selon les points de vue, a été suspendu à la suite d’une opération controversée en lien avec un trafic d’opioïdes. Il s’agissait d’empêcher à tout prix la diffusion du carfentanil, cent fois plus intense que le fentanyl, « une drogue si puissante, si dangereuse qu’elle finissait par tuer presque tous ceux qui en prenaient » (https://polarspolisetcie.com/le-noir-visiteur-du-soir-dhalloween/).
L’intervention policière a réussi, la bande criminelle a été neutralisée, mais une partie de la dangereuse substance est restée dans la nature. Tombée dans de mauvaises mains, elle pourrait ressurgir d’un jour à l’autre et faire d’immenses dégâts. Pour la retrouver, et ainsi laver sa « faute » envers la société, Gamache es prêt à tout, même à tromper ses pairs. L’occasion d’une plongée cauchemardesque dans le quartier des toxicomanes, prostitué(e)s et autres déshérités de Montréal.
Un mystérieux testament
La deuxième affaire semble a priori plus légère. Elle tourne autour d’un étrange courrier reçu par Gamache, une lettre qui lui donne rendez-vous dans une maison abandonnée. Intrigué, il se rend sur place et, très surpris, y retrouve Myrna, psychologue à la retraite, une amie vivant comme lui dans le petit village (fictif) de Three Pines. S’ajoute au duo une troisième larron parfaitement inconnu des deux autres. Les trois « élus » apprennent alors du notaire qui les a réunis qu’ils ont été désignés comme exécuteurs testamentaires par Bertha Baumgartner, une femme de ménage qui se faisait appeler la Baronne. Un canular? Pas vraiment, d’autant que peu après l’un des trois héritiers de la Baronne, l’aîné, est retrouvé assassiné dans la maison effondrée. Délicate mais menée de main de maître, l’enquête révélera que, contrairement aux préjugés, la beauté peut parfois faire bon ménage avec l’honnêteté et la bonté.
Comme d’habitude, Louis Penny nous tient en haleine de bout en bout, tout en nous régalant de petits plats du cru, ragoût de bœuf et croustade aux pommes chaude, accompagnée de crème épaisse. Elle nous offre quelques conseils pour résister à la violence de l’hiver canadien – moins 35 degrés – et pointe la regrettable habitude des Québécois de perdre leurs gants, leurs mitaines et même leurs couvre-chefs en sortant de leur voiture. « Posés sur leurs genoux durant le trajet, ces articles oubliés finissaient dans la neige. Au printemps, le sol était jonché de crottes de chien et de vers de terre. Mais aussi de bonnets, de mitaines et de gants détrempés. »
« Au royaume des aveugles ». De Louise Penny. Traduit de l’anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Actes Sud, Actes noirs, 444 p.
Ce livre n’aurait pas dû voir le jour. Louise Penny nous le confie à la fin d’ »Au royaume des aveugles ». Après le décès de son mari qui lui avait inspiré le personnage du policier québécois Armand Gamache, l’ »Agatha Christie canadienne », comme l’a surnommée la presse, se sentait incapable de continuer la série. Et puis cette […]
A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz