Visiter le Japon en lisant « Le fil de l’espoir » de Keigo Higashino est un grand bonheur. Et une chance dont j’ai bénéficié. Le thé d’orge glacé, le poisson grillé, le riz arrosé d’un mélange d’igname râpé, d’œuf cru et de soja, même la gare d’Ueno où s’arrête le Shinkansen – le TGV nippon – emprunté par l’un des enquêteurs, tout y prend une épaisseur inédite. Mais rassurez-vous, le dernier polar du grand auteur japonais peut aussi se déguster bien au chaud depuis chez soi.
Avec une tasse de thé vert, toutefois, car les livres de Keigo Higashino se revendiquent d’un temps long. Ils cultivent joyeusement l’erreur et l’errance, valorisent le doute, n’hésitent pas à chercher un sens à ce qui apparemment n’en a pas, bref mettent à mal certains clichés trop vite associés au Japon. Dans ce nouveau roman, Keigo Higashino reste par ailleurs fidèle à la figure complexe et mystérieuse de l’inspecteur Kaga Kyōichirō. Affecté désormais au commissariat de secteur de l’avenue Meguro-dōri, il est le supérieur de son ami et cousin Matsumiya Shūhei.
Un père et une demi-sœur inconnus
Or voilà que ce dernier se retrouve au centre de l’une des deux énigmes qui servent d’armature au récit. Il vient de recevoir, d’une inconnue, un appel qui pourrait bouleverser son existence. Le père de cette femme, qui est mourant, a reconnu Matsumiya comme son fils. Un choc pour ce dernier qui croyait son père décédé depuis longtemps. Son cousin Kaga tombe lui aussi des nues. Interrogée à son tour, sa propre mère se réfugie dans le silence. Le jeune policier se retrouve donc bien seul face à l’une des enquêtes les plus douloureuses de sa carrière: le mystère de son origine.
Matsumiya n’a toutefois pas beaucoup de temps à consacrer à sa vie privée. Le devoir – son travail – l’appelle sur une autre enquête. Une femme a été sauvagement assassinée dans le quartier de Jiyūgaoka. Hanazuka Yayoi y tenait un salon de thé fort apprécié pour la qualité de son accueil et de ses pâtisseries. Ironie de l’affaire, elle a été tuée par le couteau à lame longue et très pointue qu’elle utilisait pour couper les gâteaux mousseline.
Un cambriolage qui a mal tourné ? Peu probable, car rien n’a été dérobé. Une jalousie, une rancœur ? Cette fringante quinquagénaire semblait aimée de tous. Paradoxalement alertés par cette pluie d’éloges, Matsumiya et Kaga commencent à fouiller dans son passé. Ils s’interrogent sur les sentiments d’un habitué, l’un des rares hommes à fréquenter régulièrement le salon de thé. L’ex-mari de Yayoi, brusquement resurgi dans sa vie, semble lui aussi suspect. Le lecteur, élégamment mis sur la piste par l’auteur, possède un peu d’avance sur les enquêteurs. Sans forcément parvenir à mettre des mots et des noms sur ses intuitions, il se doute instinctivement – un thème cher à Keigo Higashino – que derrière cette mort inexpliquée se cache un autre secret de famille évadé du silence forcé dans lequel il avait été verrouillé.
Mais la vérité est-elle forcément bonne à dire, surtout quand il s’agit de paternité ? Pour révéler la vérité au sujet d’un crime, la police a-t-elle le droit de dévoiler le secret d’un tiers ? Comme toujours, Keigo Higashino préfère l’ouverture des questions à la clôture des affirmations. Sa réponse, une réponse, il nous la réserve pour la toute fin. Délicatement. En cadeau.
« Le fil de l’espoir ». De Keigo Higashino. Traduit du japonais par Sophie Refle. Actes Sud, coll. « Actes noirs », 364 p.
Visiter le Japon en lisant « Le fil de l’espoir » de Keigo Higashino est un grand bonheur. Et une chance dont j’ai bénéficié. Le thé d’orge glacé, le poisson grillé, le riz arrosé d’un mélange d’igname râpé, d’œuf cru et de soja, même la gare d’Ueno où s’arrête le Shinkansen – le TGV nippon – emprunté […]
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, « Henua » (qui signifie la terre natale en marquisien) toutefois nous rassure. Marin Ledun aborde avec un tel respect cette terre, cette langue et cette culture qui l’émerveillent qu’il déjoue les pièges des clichés et de l’exotisme de pacotille. Alors, certes, les descriptions de lieux et de paysages sont un peu trop nombreuses et systématiques pour être naturelles, on sent aussi le besoin de faire et de dire vrai. Rien à voir cependant avec ces polars biberonnés à Wikipédia qui régulièrement nous inondent.
Fort habilement, Marin Ledun inscrit d’ailleurs son regard et son statut d’étranger au cœur même de son roman. Il le fait à travers les ambivalences et les questionnements de son personnage principal, Tepano Morel, né d’une mère marquisienne et d’un père français. Ce jeune lieutenant de gendarmerie a grandi et s’est formé en métropole avant d’être muté à Papeete, à Tahiti. Dépêché aux Marquises pour enquêter sur un meurtre, il débarque pour la première fois de sa vie sur la terre de ses ancêtres. Il y est accueilli et secondé par la sous-lieutenante Poerava Wong, responsable de la brigade territoriale autonome de Nuku Hiva. Seul bémol, cette jeune femme dynamique et volontaire avait été une amie très proche de la victime, ce qui n’est pas sans poser problème.
Une femme trop belle et trop libre
La morte s’appelait Paiotoka O’Connor. Elle avait 28 ans, un enfant autiste qu’elle élevait seule, et des moyens de subsistance précaires. Décédée des suites d’une blessure à la tête, elle a été retrouvée à proximité du lieu-dit Terre rouge, au sud de l’île, par un chasseur de chèvres sauvages. D’une fascinante beauté, cette femme était aussi très libre, ce qui n’était pas sans engendrer jalousies et malentendus. Cherchant à découvrir son ou ses meurtriers, Tepano Morel va peu à peu prendre conscience qu’entre petits et grands trafics, vivre aux Marquises peut être rude et cruel.
Parallèlement à cette première enquête, Tepano Morel profite de son séjour aux Marquises pour renouer avec ses origines. Il retrouve différents témoins qui ont connu sa mère aujourd’hui décédée et commence peu à peu à comprendre les raisons du silence qu’elle a toujours gardé sur un passé tragiquement hanté par le spectre des essais nucléaires français en Polynésie. Une dénonciation des effets délétères du colonialisme où l’on reconnaît bien le caractère engagé de l’auteur et sa volonté de dénoncer les abus des puissants quels qu’ils soient.
Ce militantisme avoué n’a toutefois rien d’austère. Tandis que son personnage multiplie les rencontres et les entretiens, Marin Ledun s’amuse à brouiller les pistes et à multiplier les potentiels coupables. Il en profite aussi pour nous offrir un amusant clin d’œil en glissant dans la bibliothèque d’un maraîcher marquisien cultivateur de paka (cannabis) deux livres de Simone Buchholz, une excellente auteure de polars allemande. Pas de doute, en plus d’être un écrivain talentueux, Marin Ledun est un lecteur exigeant!
Marin Ledun est l’un des auteurs invités à la 21e édition du festival Quais du Polar qui se tient du 4 au 6 avril à Lyon. https://quaisdupolar.com/
« Henua ». De Marin Ledun. Gallimard, Série noir, 416 p.
Marin Ledun est un Français qui aime parfois situer ses polars dans un cadre lointain. Après le Nigeria dans « Free Queens » (lire: https://polarspolisetcie.com/au-nigeria-biere-et-prostitution-font-bon-menage/), c’est aux Marquises qu’il dépose ses valises et son âme. Soyons honnête, même en lui faisant confiance, on craignait un peu le caractère artificiel de ce nouveau parachutage. Dès ses premières pages, […]
Le nom de l’Américain Horace McCoy ne vous dit rien? Son œuvre, pourtant, brille au firmament des classiques du polar. « On achève bien les chevaux », c’est lui, « Un linceul n’a pas de poches », lui aussi. Publié en 1937 en… Angleterre, adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky en 1974, ce roman traite de la liberté de la presse, des brimades des politiques et de la pression exercée par la publicité sur les journalistes. Il n’a pas pris une ride. Aujourd’hui comme hier, oser dire la vérité peut mettre en péril un emploi, ou même une vie.
Grâce à l’astucieuse politique de réédition de la Série noire qui nous a déjà valu quelques savoureuses pépites (https://polarspolisetcie.com/relire-raymond-chandler-vite/, https://polarspolisetcie.com/le-tueur-fou-du-sentier/), « Un linceul n’a pas de poches » nous revient dans une traduction révisée par Michael Belano. La préface de Benoît Tadié rappelle que ce livre a connu plusieurs titres provisoires, qu’il a d’abord été refusé par les éditeurs américains qui ne l’ont publié qu’en 1948, dans une version édulcorée, et qu’il comporte une importante part autobiographique. Il est vrai qu’avec une vie aussi singulière et mouvementée, il y avait de quoi faire.
Un style vif et concis
Né en 1897 à Pegram (Tennessee) dans une famille pauvre, Horace McCoy commence à travailler à 12 ans comme vendeur de journaux. En 1917, il s’engage dans l’armée, devient observateur aérien et débarque en France en 1918. Il y sera décoré de la Croix de Guerre pour héroïsme. Démobilisé, il devient journaliste sportif à Dallas, commence à écrire, publie ses premières nouvelles, mais perd son emploi lors de la Grande Dépression de 1929. On le retrouve ensuite à Hollywood où il tient quelques petits rôles avant de se consacrer à l’écriture de scénarios. En littérature, on compare souvent son style vif et concis à ceux de Steinbeck et Hemingway, mais son regard sans concession sur la société américaine dérange. En 1955, à 58 ans, Horace McCoy meurt d’une crise cardiaque à Beverly Hills, dans l’indifférence générale.
Des émules du Ku Klux Klan
Toutes ces expériences, transfigurées, ressurgissent dans « Un linceul n’a pas de poches ». Colton, où se déroule l’intrigue, est en outre clairement inspirée par Dallas, où l’écrivain a vécu entre 1919 et 1930. Mike Dolan, le personnage principal du roman, est un journaliste épris de justice et de vérité. Il démissionne avec fracas du journal qui l’emploie quand le rédacteur en chef refuse, une fois de plus, un article dénonçant la corruption dans le monde du base-ball. Avec deux amis, dont la piquante et indomptable Myra, ce Don Quichotte sans peur mais pas sans failles crée alors son propre magazine, le Cosmopolite. Déjouant les attaques de ses ennemis et les chausse-trappes d’une vie amoureuse agitée, il multiplie les révélations et va jusqu’à s’attaquer aux Croisés, des fanatiques qui s’inspirent des pratiques et de l’idéologie du Ku Klux Klan. Une société secrète à la tête de laquelle siègent plusieurs notables de la ville. Ces derniers seront-ils prêts à tout pour le faire taire? La victoire est fragile et vulnérable quand ses ailes sont en papier.
« Un linceul n’a pas de poches ». De Horace McCoy. Traduction de l’anglais de Sabine Berritz et Marcel Duhamel, révisée par Michael Belano. Préface inédite de Benoît Tadié. Gallimard, Série noire, 290 p.
Le nom de l’Américain Horace McCoy ne vous dit rien? Son œuvre, pourtant, brille au firmament des classiques du polar. « On achève bien les chevaux », c’est lui, « Un linceul n’a pas de poches », lui aussi. Publié en 1937 en… Angleterre, adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky en 1974, ce roman traite de la liberté de […]
Ce livre n’aurait pas dû voir le jour. Louise Penny nous le confie à la fin d' »Au royaume des aveugles ». Après le décès de son mari qui lui avait inspiré le personnage du policier québécois Armand Gamache, l' »Agatha Christie canadienne », comme l’a surnommée la presse, se sentait incapable de continuer la série. Et puis cette nouvelle enquête – il faudrait plutôt dire ces nouvelles enquêtes car comme toujours ce roman est largement polyphonique – a vu le jour presque indépendamment de sa volonté, un peu par miracle. Et sans tristesse. « Non pas par obligation, mais dans la joie », précise-t-elle.
« Au royaume des aveugles », ce sont donc deux enquêtes parallèles, deux affaires indépendantes avec pour ancrage commun Armand Gamache et son équipe. Nous sommes en plein l’hiver. Le directeur général de la Sûreté du Québec, ou ex-directeur selon les points de vue, a été suspendu à la suite d’une opération controversée en lien avec un trafic d’opioïdes. Il s’agissait d’empêcher à tout prix la diffusion du carfentanil, cent fois plus intense que le fentanyl, « une drogue si puissante, si dangereuse qu’elle finissait par tuer presque tous ceux qui en prenaient » (https://polarspolisetcie.com/le-noir-visiteur-du-soir-dhalloween/).
L’intervention policière a réussi, la bande criminelle a été neutralisée, mais une partie de la dangereuse substance est restée dans la nature. Tombée dans de mauvaises mains, elle pourrait ressurgir d’un jour à l’autre et faire d’immenses dégâts. Pour la retrouver, et ainsi laver sa « faute » envers la société, Gamache es prêt à tout, même à tromper ses pairs. L’occasion d’une plongée cauchemardesque dans le quartier des toxicomanes, prostitué(e)s et autres déshérités de Montréal.
Un mystérieux testament
La deuxième affaire semble a priori plus légère. Elle tourne autour d’un étrange courrier reçu par Gamache, une lettre qui lui donne rendez-vous dans une maison abandonnée. Intrigué, il se rend sur place et, très surpris, y retrouve Myrna, psychologue à la retraite, une amie vivant comme lui dans le petit village (fictif) de Three Pines. S’ajoute au duo une troisième larron parfaitement inconnu des deux autres. Les trois « élus » apprennent alors du notaire qui les a réunis qu’ils ont été désignés comme exécuteurs testamentaires par Bertha Baumgartner, une femme de ménage qui se faisait appeler la Baronne. Un canular? Pas vraiment, d’autant que peu après l’un des trois héritiers de la Baronne, l’aîné, est retrouvé assassiné dans la maison effondrée. Délicate mais menée de main de maître, l’enquête révélera que, contrairement aux préjugés, la beauté peut parfois faire bon ménage avec l’honnêteté et la bonté.
Comme d’habitude, Louis Penny nous tient en haleine de bout en bout, tout en nous régalant de petits plats du cru, ragoût de bœuf et croustade aux pommes chaude, accompagnée de crème épaisse. Elle nous offre quelques conseils pour résister à la violence de l’hiver canadien – moins 35 degrés – et pointe la regrettable habitude des Québécois de perdre leurs gants, leurs mitaines et même leurs couvre-chefs en sortant de leur voiture. « Posés sur leurs genoux durant le trajet, ces articles oubliés finissaient dans la neige. Au printemps, le sol était jonché de crottes de chien et de vers de terre. Mais aussi de bonnets, de mitaines et de gants détrempés. »
« Au royaume des aveugles ». De Louise Penny. Traduit de l’anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Actes Sud, Actes noirs, 444 p.
Ce livre n’aurait pas dû voir le jour. Louise Penny nous le confie à la fin d’ »Au royaume des aveugles ». Après le décès de son mari qui lui avait inspiré le personnage du policier québécois Armand Gamache, l’ »Agatha Christie canadienne », comme l’a surnommée la presse, se sentait incapable de continuer la série. Et puis cette […]
Est-il encore nécessaire de présenter Michael Connelly et son enquêteur fétiche Harry Bosch? Prenons le risque, voici un bref récapitulatif pour ceux qui prendraient le train en marche. Et que ses fans de toujours nous pardonnent !
Côté stylo, ou plutôt clavier, on trouve l’Américain Michael Connelly, 68 ans. Journaliste de formation et chroniqueur judiciaire de talent, il se lance en 1992 dans l’écriture romanesque avec « Les Egouts de Los Angeles ». Depuis, avec plus de 85 millions d’exemplaires de ses livres vendus, et traduits en 45 langues, son succès ne s’est pas démenti.
Côté personnage, voici Harry Bosch. De son vrai nom Hieronymus Bosch – oui comme le peintre flamand, il est le fils d’une prostituée assassinée alors qu’il est encore enfant. Après avoir participé à la guerre du Vietnam, cet homme intègre et tourmenté rejoint le LAPD (Los Angeles Police Department) dont il devient un enquêteur phare. Et bien que désormais retraité, il se retrouve tout naturellement au rendez-vous du dernier polar de Michael Connelly, « Sans l’ombre d’un doute ». Un livre prenant et fort habilement construit qui s’inscrit dans la ligne de ses romans « procéduraux » plus spécifiquement consacrés au système judiciaire américain. Et comme toujours, la ville de Los Angeles fait figure de quasi-personnage et de décor.
Dans « Sans l’ombre d’un doute », Harry Bosch partage toutefois la vedette avec l’avocat Mickey Haller, son demi-frère aussi baptisé l’« avocat à la Lincoln », un autre personnage récurrent de la galaxie Connelly. Détail attristant, le lecteur apprend dans la foulée que notre ancien policier est gravement malade, qu’il souffre d’un cancer, une leucémie lymphoïde chronique. Et que c’est pour qu’il puisse bénéficier d’une assurance-santé privée lui permettant de suivre un traitement expérimental à UCLA (University of California) que son demi-frère l’a engagé comme collaborateur et chauffeur de sa fameuse Lincoln.
Une affaire trop vite enterrée
Voilà pour le contexte, assez complexe. Venons-en aux faits ! Après avoir fait libérer un homme condamné à la perpétuité pour un meurtre qu’il n’avait jamais commis, l’avocat Mickey Haller est inondé de demandes de détenus clamant leur innocence. Il charge Harry Bosch d’y jeter un œil et d’y faire un tri. L’une de ces missives retient leur attention. Elle émane d’une jeune femme, Lucinda Sanz, incarcérée pour avoir prétendument abattu sur son ex-mari après une dispute. L’homme était un policier, adjoint du shérif. La procédure a été bâclée. L’accusée a toujours clamé son innocence, mais acculée par des preuves apparemment trafiquées, elle a fini par accepter un deal et plaider « non contestation des charges » – nolo contendere. Elle n’avait dès lors plus à reconnaître avoir tué son ex-conjoint devant un tribunal.
Quelqu’un, visiblement, avait intérêt à ce que l’affaire soit enterrée rapidement ? Mais qui ? La police ? Et comment le prouver ? Tandis que Harry Bosch part sur le terrain à la recherche du véritable assassin, Mickey Haller affute sa stratégie et ses arguments oratoires. L’occasion pour le lecteur de s’initier aux particularités du droit américain puisqu’une partie non négligeable de « l’affaire Lucinda Sanz contre Etat de la Californie » se passe au tribunal.
Le procès est épique, avec des chausse-trapes, des rebondissements tragiques et des révélations pas piquées des vers. Pour rendre de façon vivante cette frénésie et le va-et- vient du récit entre les deux principaux protagonistes, Michael Connelly a choisi de dédoubler les points de vue. Avec une grande habileté, et presque sans que l’on ne s’en aperçoive, il mêle des parties écrites à la première personne, et qui donnent la parole à Mickey Haller, avec d’autres rédigées à la troisième personne qui suivent les recherches et scrutent les pensées de Harry Bosch. Une manière pour l’écrivain de faire corps avec son personnage malade tout en respectant son intimité et l’incertitude pesant sur son avenir ? Un constat s’impose en tout cas : si les deux compères, comme on s’en doute, l’emportent, on ignore en revanche ce qui attend Harry Bosch, en apparente rémission. Sera-t-il au rendez-vous du prochain polar de Michael Connelly ? Seul l’écrivain le sait, et encore…
« Sans l’ombre d’un doute ». De Michael Connelly. Traduit de l’anglais par Robert Pépin. Calmann-Lévy noir, 444 p.
Est-il encore nécessaire de présenter Michael Connelly et son enquêteur fétiche Harry Bosch? Prenons le risque, voici un bref récapitulatif pour ceux qui prendraient le train en marche. Et que ses fans de toujours nous pardonnent ! Côté stylo, ou plutôt clavier, on trouve l’Américain Michael Connelly, 68 ans. Journaliste de formation et chroniqueur judiciaire de talent, […]
Méfiez-vous des couples trop parfaits, surtout s’ils sortent de l’imagination d’une femme ! L’Américaine Leslie Wolfe nous le rappelle avec malice dans «A cœurs ouverts », son premier roman traduit en français. Tandis qu’Anne Wiley, une brillante chirurgienne cardiaque, opère des patients en détresse, son époux Derreck, le futur maire de Chicago, prend du bon temps dans les hôtels les plus chics avec sa maîtresse, Paula Fuselier, surnommée la Vipère, une ambitieuse avocate au bureau du procureur d’Etat. Une banale tromperie ? Les choses auraient pu effectivement en rester là si un grain de sable n’était venu griffer le glaçage parfait des apparences.
Ce grain de sable, c’est une opération qui tourne mal et à laquelle le lecteur assiste « en direct », l’auteur s’étant minutieusement renseignée auprès d’une spécialiste. Alors que tout semble normal, le cœur d’un patient – arrêté le temps de l’intervention – refuse de repartir. Anne Wiley entame la réanimation puis, après une vingtaine de minutes, éprouve soudain le besoin de passer de l’autre côté du champ opératoire pour voir le visage du malade. Un choc ! Elle connaît cet homme qui, lors des consultations, se dissimulait derrière une barbe épaisse et une casquette. Ses traits, et notamment sa tache de naissance sur le front, lui rappellent les pires souvenirs. Elle abandonne la réanimation et notifie le décès. Le premier de toute sa carrière. Une épreuve difficile à surmonter.
Les nuages noirs dès lors s’amoncellent dans le ciel bleu de sa vie. Aux affreux événements liés à cet homme s’ajoutent l’animosité d’un collègue machiste et odieux qu’elle soupçonne du pire, et surtout l’arrivée impromptue, dans son bureau, de Paula Fuselier – la maîtresse de son mari – bien résolue à profiter de sa « faiblesse » pour détruire sa rivale. Le lecteur commence toutefois à se douter que la jalousie amoureuse n’est pas seule à motiver cette haine dévorante. De son côté, notre vaillante chirurgienne continue à chercher pourquoi le cœur de son patient n’est pas reparti. Et ce qu’elle va découvrir, on le devine, ne va pas lui plaire.
« A cœurs ouverts ». De Leslie Wolfe. Traduit de l’anglais par Manon Malais. Gallimard, Collection Série noire, 296 p.
Méfiez-vous des couples trop parfaits, surtout s’ils sortent de l’imagination d’une femme ! L’Américaine Leslie Wolfe nous le rappelle avec malice dans «A cœurs ouverts », son premier roman traduit en français. Tandis qu’Anne Wiley, une brillante chirurgienne cardiaque, opère des patients en détresse, son époux Derreck, le futur maire de Chicago, prend du bon temps dans […]
A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.
Photo: Lara Schütz